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Critique de jphial


Souvent revisité, le conte "Cendrillon" fait ici l'objet d'une adaptation théâtrale moderne mêlant habilement drame et comédie. Adressée prioritairement à un jeune public, plutôt adolescent, elle est destinée à toucher également les adultes. Les rapports entre les personnages sont assez violents car Pommerat réécrit l'histoire de Cendrillon sous l'angle du deuil et de la culpabilité : "C'est la question de la mort qui m'a donné envie de parler de cette histoire, non pas pour effaroucher les enfants, mais parce que je trouvais que cet angle de vue éclairait les choses d'une nouvelle lumière. Pas seulement une histoire d'ascension sociale conditionnée par une bonne moralité qui fait triompher de toutes les épreuves ou une histoire d'amour idéalisée. Mais plutôt une histoire qui parle du désir au sens large : le désir de vie, opposé à son absence. C'est peut-être aussi parce que comme enfant j'aurais aimé qu'on me parle de la mort qu'aujourd'hui je trouve intéressant d'essayer d'en parler aux enfants."

Sous des apparences simples, la pièce de Pommerat a l'art soulever des questions existentielles complexes et universelles. Sandra, l'héroïne, n'arrive pas à surmonter la perte de sa mère. Elle s'interdit de vivre et d'être heureuse : elle fait sonner sa montre toutes les cinq minutes pour s'obliger à penser à sa mère. le prince aussi vit dans le souvenir de sa mère disparue et pense sans cesse à elle : il croit qu'elle ne rentre pas à la maison (depuis dix ans) parce qu'elle est coincée dans les embouteillages. Mensonge des adultes, évidemment. Prince et princesse s'aideront mutuellement à avancer dans la vie.

Car rassurez-vous, l'histoire n'est pas si noire qu'elle en a l'air : c'est un conte, et l'on sait comment finissent les contes de fées. Et puis on rit beaucoup. Jeux de mots et décalages parodiques sont incessants. La fée contribue grandement à détendre l'atmosphère par son franc-parler et son refus d'utiliser ses pouvoirs pour faire de la magie. Alors elle s'entraîne à faire des tours comme une vraie magicienne. le problème est qu'elle les rate systématiquement... Drôle de fée ! Mais elle a plus d'un tour dans son sac. Fée ratée mais un peu psy sur les bords, elle guidera Sandra vers l'acceptation de la mort de sa mère. Et je passe sous silence le père de Sandra, complètement soumis à son acariâtre épouse, ainsi que la belle-famille tortionnaire, dans la plus pure tradition du conte merveilleux. On assiste à des scènes de conflits familiaux aux accents ultra-contemporains.

Si la pièce est savoureuse à lire, c'est qu'elle est rédigée de façon un peu particulière, au fil des répétitions. Joël Pommerat a pour habitude de monter ses propres pièces et de les écrire en compagnie des acteurs, au fur et à mesure qu'ils jouent et que le travail de mise en scène avance. Il en résulte une langue oralisée, à la fois spontanée et moderne. C'est agréable à lire, encore plus à voir, évidemment ! Si jamais vous avez l'occasion de vous procurer la mise en scène de Pommerat lui-même, n'hésitez pas.
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