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Critique de Henri-l-oiseleur


Danny Saunders, fils et héritier du rabbin charismatique et chef de sa communauté émigrée en Amérique, est un jeune homme surdoué, un génie, qui étouffe dans le cadre de la stricte orthodoxie de sa culture de naissance et aspire à d'autres horizons, ce que la lecture (clandestine) de Freud lui fournira, grâce à l'amitié exceptionnelle qu'il noue avec un autre jeune homme de son âge, fils d'un intellectuel juif russe non moins orthodoxe que lui, mais plus en phase avec les idées modernes.

Rachel Ertel observe, à juste titre, que les lectures psychanalytiques de Danny Saunders, élevé dans la plus stricte orthodoxie hassidique, auraient dû le bouleverser bien plus profondément qu'elles ne font, en particulier dans le domaine sexuel. Ce qu'elle repère comme un défaut de vraisemblance dans ce roman m'apparaît au contraire comme une qualité : l'absence ou le refoulement de ce trouble-là accentuent en contrepartie l'ambiance d'innocence, d'enfance candide, de goût pour les idées qui l'imprègne, et charme le lecteur. Ce qui conviendrait à un romancier du trouble comme I. B. Singer, ne cadre pas du tout avec le projet esthétique de Potok.

D'autres charmes encore : ce roman raconte l'histoire d'une amitié par-delà les querelles confessionnelles, d'autant plus amères et violentes que les adversaires sont plus proches l'un de l'autre ; il met en scène deux sensibilités juives orthodoxes, celle des Hasidim de Pologne et de Russie, et celle, plus occidentalisée, des Juifs orthodoxes marqués par la contre-réforme du Rav Hirsch ; on se lance des anathèmes, en particulier lors de la proclamation de l'état d'Israël, qui fut un blasphème affreux pour les Hassidim ; mais ce qui ressort de ces luttes et de ces conflits, c'est l'amour persistant et le respect mutuel qui unissent les groupes si divers d'un même peuple : ahavat yisrael (אהבת ישראל), l'amour d'Israël, qui est le cadre de référence et la toile de fond de toutes les controverses de ce peuple du débat et de la controverse ; ce point est très finement observé et représenté par Potok ; enfin, dernière réussite du roman, il parvient à raconter une histoire palpitante et touchante où l'intellectualité, la recherche, l'étude, la vie des idées, jouent un rôle actif dans la vie même des protagonistes. Une telle harmonie n'est pas à la portée de n'importe quel romancier.
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