Citations sur Comment les économistes réchauffent la planète (95)
Les climatologues ont pu calculer approximativement le nombre total de tonnes de CO2 qu’il restait possible d’émettre à partir de 2010, pour garder une chance sur deux de rester en dessous d’un réchauffement de 2°C : environ 1 800 milliards de tonnes (environ deux fois moins pour avoir quatre chances sur cinq). […] force est de constater qu’il y a plus d’énergie fossile qu’il n’est possible d’en brûler pour préserver le climat […] L’approche métabolique amène ainsi à conclure que limiter le réchauffement climatique à2°C devrait conduire nécessairement à ne pas exploiter des gisements d’énergie fossile déjà connus : un tiers du pétrole, la moitié du gaz et les quatre cinquièmes du charbon, parmi les réserves actuelles, devront rester inexploitées jusqu’en 2050. […] ces gisements, enregistrés comme des actifs seraient donc surévalués […] L’ONG britannique Carbon Tracker estime ainsi que deux tiers des actifs détenus par les entreprises énergétiques sont sans valeur. […] Il y aurait donc une « bulle carbone » sur les valeurs énergétiques minières. […] Le succès même de la lutte contre le changement climatique pourrait achever de déstabiliser un système financier mondial déjà bien fragilisé par des montagnes de dettes. Espérons que nous saurons dépasser les insuffisances du discours économique pour faire face avec lucidité à ce dilemme.
Le rêve de l’Économiste s’était brisé sur les réalités de la souveraineté des États.
Presque vingt ans après Kyoto, l’ambition est toujours la même, celle de construire un cadre de coopération dans lequel, un jour, des réductions d’émissions décisives, même de faire baisser les émissions globales, seront entreprises. Vingt ans ont été perdus dans la construction de cette confiance mutuelle. Ce deux décennies ont été gâchées à cause du discours économique, qui a interprété le protocole de Kyoto comme un partage du fardeau des réductions d’émissions, devant être rendu efficace par un marché mondial du carbone.
[L’accord de la COP21] n’offre toutefois aucune garantie que les États réaliseront bien leurs contributions aux réductions d’émissions, pas plus qu’il n’offre de garantie que l’écart entre l’objectif déclaré de 2°C et les contributions de chacun sera un jour comblé. Par l’habitude prise de travailler ensemble, par la confrontation des objectifs de chacun, l’accord de Paris ambitionne néanmoins e créer suffisamment de confiance entre les États pour les amener graduellement à renforcer leurs contributions, à adopter et mettre en œuvre des réductions d’émissions plus fortes, à tenir l’objectif des 2°C.
La COP de Cancún (2010) confirme le virage de Copenhague et inaugure formellement une nouvelle façon d’approcher les réductions d’émissions. Au lieu de fixer un niveau global d’émissions à répartir entre les pays, le processus part des propositions de contribution. […] On voit toute la différence avec l’interprétation par l’Économiste du protocole de Kyoto, dont l’objectif principal consistait à organiser des échanges de réductions d’émissions pour diminuer les coûts totaux. Les COP après Cancún ont peu à peu mis en place ce cadre, concrétisé avec l’accord de paris obtenu à la COP21 (décembre 2015).
Lorsque les émissions de méthane sont éliminées, le réchauffement ralentit : à cause du fort pouvoir de réchauffement du méthane, les réductions se font sentir instantanément. En revanche, le réchauffement de long terme est peu affecté car il est beaucoup plus sensible à la réduction des émissions de C02. 𝐴 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑎𝑟𝑖𝑜, avec des réductions d’émissions uniquement en CO2, le réchauffement ne ralentit pas au départ mais est moins fort à long terme.
Le recours à une mécanique implacable mais simpliste explique à la fois la fascination et le dégoût que peut inspirer le discours économique Fascination car les mêmes schèmes sont répétés, reproduits dans toutes circonstances. Tels des mantras infiniment psalmodiés, ils créent, par leur répétition et leur constance mêmes, une impression de vérité qui peut être attirante. Dégoût car ce discours se déroule le plus souvent identique à lui-même. Une fois que l’on en a cerné les caractéristiques, compris les articulations, il est somme toute prévisible et caricatural : rien ne pourra le faire dévier de ses rails. C’est ce qui fait que chaque économiste, une fois qu’il a commencé à prendre la vois d l’Économiste, semble dire la même chose.
Du côté du chercheur, la simplicité du discours économique a aussi ses avantages. Revenir au monde imaginaire permet de construire à moindres frais un raisonnement, de dérouler des arguments, de faire des préconisations fortes, indépendamment de l’objet de l’étude. Il est ainsi possible de parler de n’importe quoi, tout en ayant l’air raisonnablement intelligent.
L’Économiste ne voit pas le ridicule de ce qu’il propose car, à force de considérer le marché comme un mécanisme naturel, il a oublié les conditions qui le rendent possible. En réalité, le marché est toujours une institution dépendant d’une autorité. Cette autorité, le plus souvent politique, est nécessaire pou le faire fonctionner […]
Seul l’Économiste peut croire que des agents souverains, comme le sont les États dans l’ordre westphalien des relations internationales, se rassembleront pour organiser des échanges mutuellement avantageux sous la forme d’un marché.