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Critique de lafilledepassage


Jacques Prévert bien différent de l'image du gentil poète inoffensif dont les chères têtes blondes de toute la francophonie, d'ici, de France ou de Navarre ânonnent les poèmes à chaque remise de bulletin, chaque fête des mères et autre festivité bourgeoise…

Jacques Prévert anticlérical qui n'aime pas la prière car elle fait un sale petit bruit, qui juge le pape « utile comme la paille dans l'acier », qui réécrit l'histoire de la vie de Jésus à sa façon, qui dénonce la complicité de l'Eglise et des régimes nationalistes et fascistes des années 30.

Jacques Prévert anti-système qui se moque de « ceux qui pieusement… ceux qui copieusement… ceux qui tricolorent … ceux qui sont chauves de l'intérieur ceux qui donnent des canons aux enfants ceux qui donnent des enfants aux canons », qui dénonce « monsieur Edmond, chef de famille, chef de bureau », qui lave son linge sale en famille et piétine à mort sa fille qui porte le fruit de ses amours dans les entrailles, question d'honneur.

Jacques Prévert anti- militariste, pacifiste convaincu, qui se demande où s'en va tout le sang répandu sur terre, qui refuse de prendre le fusil pour tuer des Noirs en Ethiopie et qui prévient les vieillard, les chefs de famille que le temps où ils donnaient leurs fils à la patrie ce temps-là ne reviendra plus.

Jacques Prévert anticapitaliste qui nous parle « des petites filles qui demandent humblement à crédit chez le laitier, des hommes, des femmes, des enfants qui se battent contre la misère pendant que d'autres se gondolent à Venise avec des suspensoirs d'hermine et des diamants aux doigts de pied », qui dénonce ce bel effort humain qu'ils veulent faire aimer et accepter à celui qui n'a pas de vraie maison, qui sent l'odeur de son travail, est touché aux poumon et dont le salaire est maigre, ses enfants aussi.

Jacques Prévert libertaire qui « ne peut raisonnablement blâmer les régicides qui n'ont pas de roi sous la main d'exercer leurs dons dans leur entourage immédiat, particulièrement ceux qui pensent qu'une poignée de riz suffit à nourrir toute une famille de Chinois pendant de longues années », qui conseille aux puissants, aux nantis, « de regarder, d'écouter, pour vous habituer, pour n'être pas surpris d'entendre craquer vos billards le jour où les vrais éléphants viendront reprendre leur ivoire. Car cette tête si peu vivante que vous remuez sous le carton mort, cette tête blême sous le carton drôle, cette tête avec toutes ses rides, ses grimaces instruits, un jour vous la hocherez avec un air détaché du tronc et, quand elle tombera dans la sciure, vous ne direz ni oui ni non ».

Jacques Prévert en utopiste qui appelle tous les miséreux du monde entier, les camarades affamés, les camarades paysans du Danube, les camarades de Belleville, de Grenelle et de Mexico, les camarades mineurs du Borinage, les camarades mineurs d'Oviedo, les camarades dockers de Hambourg, les camarades des faubourgs de Berlin, les camarades espionnés, bafoués, trompés, fatigués, découragés, les camarades noirs des Etats-Unis, à s'unir, à se lever et à faire changer les choses.

Mais aussi Jacques Prévert amoureux des jolies filles qui se noie dans leur regard, des oiseaux et de la liberté. Un jongleur de mots (pas sûre d'encore pouvoir faire la grasse matinée après cette lecture), un plasticien de l'imaginaire, un hédoniste sans scrupule.

Jacques Prévert, à (re)découvrir sans attendre pour lui attribuer enfin sa juste place. Celle d'un très immense poète qui a quelque chose à dire. C'est devenu si rare.
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