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Critique de Osmanthe


L'Adjacent est tout à la fois roman de science-fiction, de guerre, d'amour...et comporte beaucoup de considérations relevant des sciences humaines, histoire, géographie, psychologie...

Je n'avais encore jamais lu de Christopher Priest. Et bien il était temps, car sans pouvoir vérifier s'il s'agit de son meilleur livre comme certains l'ont dit, il faut bien admettre qu'il m'a drôlement plu !

L'histoire débute aux alentours de 2040, sur une terre bien abîmée par le réchauffement climatique. Les zones habitables ont reculé, les pays méditerranéens ne sont plus vivables, la Grande-Bretagne (pardon, le Royaume Islamique de Grande-Bretagne, RIGB) est balayée tous les 2-3 jours par des tempêtes tropicales, au point que leur donner un simple prénom ne suffit plus (alors ce sera plutôt Danielle Darrieux, Graham Greene...).
Le photographe Tibor Tarent est sous le choc, il vient de voir sa femme, Melanie, infirmière, disparaître en Anatolie, frappée par un étrange attentat...qui n'a laissé qu'un immense triangle équilatéral noir au sol. Ramené en Angleterre à bord d'un mebsher, véhicule de transport de troupes blindé, par d'étranges agents gouvernementaux, il apprend qu'un attentat similaire a eu lieu à Londres et aurait fait 100 000 morts.
Mais tout cela a-t-il bien eu lieu ? Et qui est vraiment celle de ces agents qui se fait appeler "Flo" et avec qui il fait l'amour ? Et au-delà, peut-on vraiment se fier à ce qu'on voit ? Et si le regard pouvait être attiré, capté, focalisé sur un point précis de l'espace pour mieux nous détourner de l'espace adjacent où le réel suit son cours, un peu comme un magicien détourne l'attention du spectateur pour mieux le mystifier ?
Pourquoi le scientifique néerlandais Thijs Rietveld, "inventeur" de la théorie du Champ Adjacent Perturbatif, que Tibor a photographié jadis était-il mort le lendemain, "suicidé", alors qu'il craignait que cette découverte tombe dans les mains d'organisations ou nations mal intentionnées ?

Priest nous entraîne dans une histoire ambitieuse, où nous nous transportons successivement de 2040 à la guerre de 1914 (où l'on croise au passage H.G.Wells), puis à celle de 1940, puis sur Prachous, île de l'Archipel du Rêve (déjà connu des lecteurs de Priest), avant le retour dans ce futur finalement proche....avec l'étrange sensation que l'histoire se répète, un homme tombe sous le charme d'une femme remarquable qui lui échappe finalement, les prénoms des protagonistes sont étrangement proches, une lettre change, une racine...Avons-nous été transportés dans un espace-temps différent ?
Et finalement, Melanie est-elle bien morte, aucun corps n'étant jamais retrouvé, à moins que nous existions dans plusieurs espace-temps à la fois ?

On pourrait se lasser d'une redondance apparente ? Impossible ! Car les longueurs qui commenceraient à poindre parfois trouvent toujours leur pertinence : on en apprend beaucoup sur les théories et techniques autour de la magie (sujet qui passionne l'auteur de "Le Prestige"), sur les avions de guerre (là encore, un spécialiste !)...et quels beaux portraits de couples...amoureux, amants, amis. L'émotion est là, palpable dans les coeurs de ces jeunes héros ordinaires de la guerre, dans celui de la belle aviatrice polonaise Krystyna ou dans celui de Michael Torrance...alias Tibor Tarrent ?

L'oeuvre est complexe, elle évoque parfois Philip K.Dick, par l'angoisse née des sensations de réalité chancelante, de schizophrénie qu'on frôle...
L'écriture est superbe (je maintiens que les écrivains de SF ont souvent produit des oeuvres d'une qualité de style exceptionnelle, lisez Gene Wolfe !). Elle véhicule beaucoup de romantisme et d'émotion pour traduire le manque et la recherche de l'être aimé disparu, les amours impossibles, les souvenirs...
Au final, c'est aussi une oeuvre positive, car l'amour s'avère plus fort que tout, il y a toujours de l'espoir pour ceux qui se battent pour retrouver l'être aimé...Sans jamais tomber dans le sentimentalisme fleur bleue, ce roman sonne aussi contre toute attente comme un Tristan et Yseult revisité.

Alors on ne comprend pas tout, il y a beaucoup de points d'interrogation...bien visibles dans ce modeste essai de critique qui du coup s'avère périlleux, mais il fallait bien s'y coller car nos amis de Babelio commençaient à me tirer l'oreille (c'est bon de se faire désirer !). Enfin, il est temps de les remercier, ainsi que Denoel (Ah ! Denoel, ado, vous m'avez donné le goût de la SF, avec les Chroniques martiennes et tant d'autres, collection "Présence du Futur", quel délice !)...et de vous conseiller...non, de vous exhorter ! à lire ce pavé qui se dévore !

Et chapeau à Christopher Priest, un grand, encore un, de la SF britannique !

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