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Critique de JulienDjeuks


Propp établit un parallèle entre le fonctionnement d'un conte merveilleux et celui de la phrase. Certains éléments ont des "fonctions" nécessaires (comme sujet-verbe-objets du verbe) et d'autres facultatives (compléments). Par leur nature, ces éléments nécessitent le recours à d'autres fonctions spécifiques (comme certains verbes nécessitent un objet direct, indirect ou deux objets… comme le déterminent appelle un nom) : l'interdiction souvent énoncée par les parents appelle l'acte de transgression, le méfait commis par un agresseur (enlèvement, vol…) appelle la quête du héros, un combat et la réparation du méfait… le point de fin de phrase pourrait être la transfiguration du personnage principal en héros, c'est-à-dire le passage de l'enfant à l'adulte. Ainsi considéré, l'essai a des airs d'ouvrage de grammaire rébarbatif dans lequel seraient listés des fonctions et les différentes natures d'objets qui peuvent les remplir...

Maladroitement caché derrière sa posture de scientifique du littéraire, à la manière de ses collègues formalistes russes, Propp propose un outil descriptif efficace mais suggère mal le potentiel d'interprétation que permet son analyse. Si les fonctions ont une importance spécifique dans les contes, c'est que la structure répétitive et donc attendue soutient la portée éducative des contes. C'est-à-dire qu'une fonction appelle une fonction réponse (interdiction-transgression-conséquence ; épreuve-échec-nouvelle épreuve… méfait-quête-réparation…) et les lecteurs ou auditeurs du conte prêtent particulièrement attention à la nature d'une fonction qu'ils reconnaissent comme telle dans la mesure où ils savent que viendra une fonction qui lui fera réponse est dont ils attendent la nature. C'est par cette interdépendance forte qu'apparaît une lecture morale (qui sera l'objet du travail de Bettelheim dans Psychanalyse des contes de fées).

La description de certaines fonctions est intéressante en soi (éloignement, transgression, fonction du donateur, marque...), mais surtout peut à merveille servir de ressource pédagogique pour l'écriture de conte : l'apprenti conteur fait son choix comme dans un catalogue, est entraîné par ses choix dans son récit comme dans un livre dont vous êtes le héros. Mais c'est à la toute fin de son essai et plus explicitement dans l'article « Les Transformations du conte merveilleux », publié la même année donc comme une sorte de complément, que Propp évoque la lecture anthropologique qu'on peut avoir de son travail, suggérant très prudemment que les contes trouveraient leurs origines dans les cultures ancestrales d'avant l'antiquité… Il pense là aux peuples à croyances animistes (nombreux dans le nord et l'est de la Russie). Certains sujets (dragons, fées) et objets magiques peuvent être considérés comme des réminiscences de ces anciennes cultures où les peuples s'attiraient les bienfaits ou méfaits des esprits par leurs actions, préservés dans les contes car ils possédaient un potentiel symbolique fort. D'autres se sont transformés, s'adaptant aux contextes locaux et culturels. Mais ce qui ressort de ce rapprochement, c'est le parallèle évident qu'on pourrait faire entre le conte et le rite de passage à l'âge adulte de ces peuples anciens. le conte ainsi proposé aux enfants serait une vision déformée de la transformation qu'on attend d'eux (responsabilité, autonomie, justice, entraide...).

Pour illustrer ces "fonctions" et plonger dans l'interprétation anthropologique du conte, je vous propose mon Essai de reconstitution des rites de passages à l'âge adulte tels qu'on peut les imaginer à travers les contes, écrit d'après les descriptions de Propp et son idée que les contes merveilleux prennent source dans les rites et croyances des peuples ancestraux.
Ici : https://leluronum.art.blog/2022/06/01/mes-petites-ecritures-le-rite-de-passage-dans-les-contes-article/
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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