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Critique de lebelier



Le narrateur, lorsqu'il ne trouve pas le sommeil, laisse vagabonder son esprit. Dès le début, on a affaire à un personnage hanté par le temps (étendu, raccourci voire aboli), par la veille, le sommeil ou le rêve éveillé durant lequel il se fond aux éléments, il recrée son propre monde où tous les sens sont en éveil : l'oeil s'habituant à l'obscurité, regardant une lanterne magique qui renvoie au passé dans un présent qui ressurgit avec l'anticipation du baiser maternel souvent ajourné par la visite de Swann qu'on révèle peu à peu -et l'ouïe est alors en éveil : clochette de l'entrée voix reconnue par la grand-mère permettant une digression sur ses origines, ses goûts, son "rang" dans la caste, son mauvais mariage; on y mêle les rangs sociaux et les générations - le temps "Swann" et sa vie mondaine apparaîtra plus tard dans “un amour de Swann ”- car, pour l'instant, Swann n'est pour le narrateur que l'empêcheur pour lui de recevoir le baiser de sa mère.

Il s'agit pour Proust, dans cette ouverture de “à la recherche du temps perdu”– on peut parler en termes d'opéra- de mettre en place les personnages et les lieux qui vont le hanter tout le long : la tante Léonie bien sûr, M. Legrandin, l'ingénieur "artiste" qui passe ses vacances dans sa propriété de Combray; Eulalie, visiteuse de malades et pourvoyeuse de nouvelles, unique lien social de la tante Léonie; puis l'oncle dans le cabinet duquel le narrateur se réfugie parfois pour lire. de cette galerie de portraits, naît un sentiment chez le lecteur, de «déjà-vu». Chaque détail – la madeleine bien sûr – transcendé par le style de l'auteur invite le lecteur dans une rêverie qu'il peut faire sienne à tout instant en explorant son propre passé par le biais de ses sens, où saveurs, odeurs, visions iconisées renferment un monde infini comme autant de touches sensibles, vivantes et révélatrices. On le voit, parler de Proust fait écrire de longues phrases truffées d'incises. Avec la mention de Bergotte et de Vinteuil, l'auteur, dans le passé recomposé de son narrateur – encore qu'il ne soit nullement linéaire – opère un syncrétisme des arts, expression d'un autre palier de sensations qui se rejoignent ici.

Comme l'avenir, le passé offre plusieurs voies d'exploration à l'image du choix qu'offrent les deux promenades « du côté de Méséglise» et du «coté de Guermantes». L'une évoque plutôt l'automne, la mort, la religion des âmes simples tandis qu'en passant devant le château de Guermantes, le narrateur rêve qu'il y entre sur un caprice de Mme de Guermantes et fait ainsi la première allusion à son désir de devenir écrivain. de là à imaginer le château de Guermantes comme l'allégorie du monde des Lettres. Ainsi lorsqu'il a l'heur de contempler Mme de Guermantes lors de la cérémonie du mariage de sa fille à Combray, il y remarque un nez proéminent et il est déçu. La réalité, une fois encore, fait basculer la rêverie gothique car il l'imaginait plus comme une enluminure que comme une femme. Il relie trop les personnes avec l'environnement, elles se fondent ainsi aux éléments dans lesquels elles évoluent. La promenade, fil conducteur du rêve et de l'imagination, se poursuit, nourrie de soleil, d'odeurs et d'impressions que le narrateur associe à son désir d'écrire. Il lui faut retrouver les clochers et c'est une nouvelle mise en abyme car apparaît le premier écrit du narrateur :
"Aussi le côté de Méséglise et le côté de Guermantes restent-ils pour moi liés à bien des petits évènements de celle de toutes les diverses vies que nous menons parallèlement, qui est la plus pleine des péripéties, la plus riche en épisodes, je veux dire la vie intellectuelle."(151)

"Combray" finit par l'évocation de la pluie et l'odeur des lilas dont le souvenir permet au narrateur de rêver durant ses nuits sans sommeil et l'on pense à ces tableaux surréalistes sur le rêve et la mémoire.
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