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Critique de le_Bison


J'arrive à l'aéroport, l'esprit encore vaseux de la cuite de la veille. L'embarquement comateux, je regarde quand même l'hôtesse de l'air, genre #jenesuispasunvirus et jambes à la coréenne. Un putain de mal de crâne. le whisky ou ce rhume que j'ai choppé et qui s'attache à moi comme des morpions avides de mon sang ambré. le débarquement ressemble au début d'un cauchemar, inspection sanitaire et thermomètre dans le cul, c'est bien meilleur. Fièvre matinale, mal dans sa peau, le coeur qui s'emballe. Ces gars en combinaison d'astronaute, même si j'ai toujours rêvé de devenir cosmonaute, me foutent un peu les jetons. La communication entre nous est difficile, de par leur masque, de par ma compréhension de la langue. Pas la peine de chercher un taxi, on m'emmène direct à mon nouveau lieu de résidence, un hôpital bien gardé. Mais, bon, je ne devais pas être assez atteint, la libération suit son court, je sors dehors, à l'air libre, un nuage m'enveloppe, une fumée blanche que les institutions sanitaires vaporisent à partir de camion citerne naviguant de rues en ruelles. J'entre dans l'immeuble, un appartement à l'étage loué par ma société, le gardien a le masque de circonstance, je me sens perdu dans ce pays inconnu. Et c'est à ce moment-là, je le sens, que je bascule dans un autre monde. Personne ne semble prévenu de mon arrivée, j'essaie de joindre l'autre bout de la planète, malgré le décalage horaire, c'est que je crois que j'ai oublié en partant mon clébard dans mon appartement, la vieille grincheuse du dessus doit être encore en train de pester contre les aboiements intempestifs du chien de mon ex-femme. Une voix me répond, le chien baigne dans une mare de sang avec mon ex-femme. Je savais que cette fois-ci j'avais « un peu » trop bu...

Trois types frappent à ma porte, sans ménagement aucun. L'immeuble a été mis en quarantaine, les restos fermés, les pharmacies dévalisées, ce n'est pas l'heure de la distribution des paniers repas. Que me veulent-ils ? Des flics du ministère ? Je saute par la fenêtre, atterri sur un tas d'ordures qui me sauva la mise en même temps qu'il me parfuma de son jus nauséabond jusqu'à la fin de mes jours. C'est à ce moment-là que ma vie bascula vers un autre monde, étrange où les hommes ne sont plus des hommes, et où ils deviennent simplement des numéros, le numéro peint sur le banc pour lequel ils prirent position, parfois en se battant pour chasser d'autres SDF plus faibles qu'eux. Ma vie en devient même absurde, où je n'ai même plus d'existence, simple SDF, laissé-pour-compte, déchet inhumain, abandonné au milieu des détritus, dans un nuage de fumée et de pesticides, l'odeur de putréfaction tenace. Ma vie se résume ainsi, je bascule - ou je me sens pousser, d'autres SDF voudraient-ils mon banc ? - dans les égouts. le dégoût de ma vie n'étant plus une question de goût quand ma bouche flirte avec ce liquide visqueux et saumâtre, je m'évertue à tuer les rats, par dizaines et centaines. Il faut dire que j'ai une prédisposition pour ça, un vrai tueur, la véritable raison de ma venue dans ce pays en pleine folie épidémique.

Et après le pic épidémique, je ne vois que deux options pour la population : attendre le prochain virus ou laisser les rats envahir les rues... Pour ma part, tant qu'il y aura des rats à la surface, mon taf est assuré et les questions sur mon avenir n'a plus aucun sens. D'ailleurs qui se souvient de moi, dans cette autre vie. Chacun sa voie, dont les mystères sont le plus souvent impénétrables. Je referme ce bouquin, sud-coréen qui décrypte à la fois la vision du couple que la condition des SDF dans cette société où les gens semblent marqués de leur hashtag, dans la beauté de ces cendres, au matin calme, ce jus putréfiant et ces rats grouillant à chaque nouvelle épidémie. #jenesuispasunvirus
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