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Critique de Woland


Etoiles Norabénistes : ******

Joker No Kuni No Alice - Circus To Usotsuki Game
Traduction : Géraldine Oudin
Adaptation Graphique : Clair Obscur

ISBN : 9782355927119

MA VOYANTE ATTITREE A PREVU BEAUCOUP DE SPOILERS POUR CETTE SERIE. SOYEZ DONC SUR VOS GARDES !

C'est avec "Alice Au Royaume de Joker" que s'achève, en sept volumes, la trilogie de manga patronnée par Quin Rose et successivement confiée à Hoshino Soumei (pour le Royaume de Coeur) et à Fujimaru Mamenosuke (pour le Royaume de Trèfle et cette ultime saga). Si beaucoup trop de lecteurs sont passés à côté de bien des choses dans "Alice Au Royaume de Trèfle", d'abord en raison du changement de dessinateur, puis des longueurs inhabituelles qui y étayent, parfois avec maladresse, une intrigue qui, elle, joue habilement sur la nature du Temps et de l'Espace, c'est avant tout la liaison, aussi soudaine qu'inattendue, de la jeune fille avec le Chat du Cheshire qui, à notre avis, a déstabilisé les aficionados les plus jeunes. Depuis le brillant début d'"Alice Au Royaume de Coeur", il était tacitement entendu que le seul homme capable, à Wonderland, de convenir à Alice, c'était Blood Dupré (quel sympathique prénom et qui en dit long sur le caractère du personnage ! ), alias le Chapelier, redoutable et redouté Chef de la Pègre locale.

Sous ses allures de jeune premier inquiétant mais toujours courtois, imposées par les standards du genre, le Chapelier symbolise, de toute évidence, un homme plus âgé qu'Alice. Il est aussi infiniment plus mûr mentalement et moralement. de surcroît, nécessité fait loi même à Wonderland, et, pour en arriver là où il est, le personnage est fatalement un cynique de première classe. Or, nul ne l'ignore, les extrêmes s'attirent. C'est d'ailleurs au Chapelier que Nightmare, le Démon des Rêves et des Cauchemars, confie, à la fin du Cycle de Coeur, la tâche de ramener la jeune fille à Wonderland, mission qu'il remplit de manière impeccable.

Dans le Cycle de Trèfle, c'est Boris, le Chat du Chester, qui s'y colle, lui aussi avec succès. Tout comme, pendant sept volumes, il est parvenu à faire croire à une Alice toujours menacée par son manque de confiance en elle en tant que femme mais aussi, à l'arrière-plan, par un sentiment de culpabilité dont les origines laissent le lecteur assez perplexe - après tout, comme le Lapin Blanc ne lui a pas demandé son avis pour l'entraîner à Wonderland, elle n'est pas coupable de sa disparition loin du monde "réel", celui où l'attend, elle en est sûre, sa soeur aînée, Lorina - qu'il était le seul, dans ce monde déroutant, à lui convenir.

Nous l'avons vu : au fur et à mesure que s'égrènent les volumes, il devient de plus en plus évident qu'Alice n'a gardé - en apparence en tous cas - aucun souvenir des sentiments qui l'attiraient vers le Chapelier. En fait, ce qu'elle ne sait pas mais que nous, nous pouvons commencer à soupçonner, c'est qu'elle se trouve tout bonnement dans une nouvelle partie. Les cartes ont été redistribuées et les Acteurs doivent jouer leur rôle. Mais leur but ultime reste le tissage de liens de plus en plus forts entre Alice et leur monde, avec, en parallèle, la protection de la jeune fille de tout danger éventuel.

Sans contrevenir vraiment aux règles, le Chapelier qui, on est en droit de le penser, n'a pour sa part rien oublié, fait tout au contraire pour conserver Alice sous son emprise. Que Boris flirte outrageusement avec elle - et va peut-être plus loin, on peut le croire sans en être absolument sûr dans ce Cycle où le songe s'ouvre sur de nouveaux songes - lui importe peu en fait. Son heure, il sait qu'il l'aura et, une fois qu'elle aura sonné ... En revanche, il redoute d'avouer à Alice les sentiments qu'il lui porte - on a sa fierté d'homme et de Mafioso en chef, que Diable ! D'un autre côté, son assurance coutumière et agaçante, qui porte tant sur les nerfs d'Alice, lui certifie que, mémoire trafiquée par Nightmare ou pas, Alice lui a conservé un très vaste espace dans son petit coeur d'"Etrangère." Bref, pour vous résumer les choses, l'excellent et impassible joueur de poker qu'il est sait qu'il possède là une excellente main ...

Pour Dupré le Magnifique, tous les moyens sont bons pour qu'Alice reste sous sa coupe. Un complot, monté avec adresse par d'obscurs Sans-Visages le menace ? Très bien. Il va en faire une arme pour tester la capacité de résistance de la jeune fille et surtout la magnanimité dont elle est capable de faire preuve à son égard - comme envers ses principaux hommes de main car accepter le Chapelier, c'est obligatoirement accepter le Lièvre de Mars, les Jumeaux et les fidèles de la Chapellerie. Aussi, suite au fameux "déménagement" du Royaume de Coeur au Royaume de Trèfle, qui prive Alice de son emploi et de son logis au Parc d'Attractions de Goround, Blood lui offre-t-il fort gentiment l'hospitalité - "en tout bien tout honneur", cela va de soi. Au moment même où il le fait, le lecteur se dit qu'il ne pourra pas résister au plaisir, non teinté de sadisme, qu'il prend à taquiner Alice, voire à la faire fuir bien loin de lui dès qu'il fait mine de la serrer d'un peu trop près. Et le lecteur a bien raison. D'ailleurs, le lecteur - allez, soyez francs ! - entend bien que le Chapelier agisse ainsi - ces incidents divers, ces "malentendus" entre Alice et Blood l'aidant considérablement à demeurer fidèles à ce Cycle déroutant.

Mais si l'aventure au Royaume de Trèfle s'est terminée sans trop de problèmes - petit et même grand moment d'émotion cependant avec la mort du Sans-Visage à qui le Chapelier avait confié la mission de veiller sur Alice, au cas où celle-ci serait enlevée, ce qui s'est effectivement passé comme il l'avait prévu - si la jeune fille a désormais une conscience très nette de l'attachement qu'elle voue à Wonderland et si elle a enfin compris que tous ceux qui l'entourent - sauf Ace peut-être et encore, avec un tel énergumène ... - espèrent bien qu'elle ne les quittera plus, les cartes sont une nouvelle fois battues et redistribuées.

Il semblerait que nous soyons encore au Royaume de Trèfle que dirige un Nightmare hargneux, poussif et toujours poursuivi, pour la bonne cause, par son homme de confiance et secrétaire, Gray Ringmarc, armé de tout un arsenal de pilules et de reconstituants divers. Dans son bureau, où il considère avec dégoût les lettres et rapports qui s'accumulent, Nightmare - qui correspond, dans l'univers de Lewis Carroll à la fameuse Chenille donneuse de leçons, laquelle conseille à Alice, afin de retrouver sa taille normale, de grignoter tantôt un côté, tantôt l'autre côté du champignon sur lequel elle fume nonchalamment son narghilé (ou quelque chose qui lui ressemble fort) - finit toujours par s'échapper dans ce qu'il considère comme son seul domaine d'élection : les rêves. C'est de là qu'il contrôle le jeu et les parties - et plus encore qu'il surveille tout le monde. Voyeur-né, Nightmare sait tout, Nightmare voit tout mais sa curiosité n'ira pas, cette fois-ci, jusqu'à demander à Alice, comme il l'avait fait du temps de sa liaison avec Boris, ce qu'il se passe exactement quand elle se rend dans le bureau-bibliothèque du Chapelier. (Notons toutefois que, sans le demander expressément, il peut tout de même se renseigner de visu, s'il le désire et en priant les Cieux que le Chapelier, à qui on ne la fait pas, ne s'en rende pas compte.)

De son côté, Alice travaille désormais non plus pour Goround mais au Château de Coeur. Non parce que Vivaldi l'exige mais parce qu'elle aime à se rendre utile. Elle s'est aussi résignée à vivre là-bas, quitte à y subir sans broncher les démonstrations d'affection de Peter White. Pour se distraire, elle continue à aller de-ci, de-là, rendre visite à ceux qu'elle tient pour ses amis. Nous sommes toujours dans l'après-"déménagement" et les saisons sont un peu instables. Mais bientôt s'ouvrira une saison dont le lecteur fidèle a déjà entendu parler, dans le Cycle de Coeur : la Saison d'Avril. Pour les uns, une période drôle et amusante, où tout le monde peut se jouer des tours pourvu qu'ils restent plaisants. Pour ceux qui ont eu vent de ce qui s'y déroule en coulisses, une époque de mensonges et de faux-semblants où les saisons se figent dans les principaux territoires (l'hiver pour la Tour de l'Horloge, l'automne pour la Chapellerie, le printemps au Château et l'été au Parc d'Attractions) et durant laquelle s'installe rituellement en ville le Cirque de Joker.

Point qui a son importance, la Saison d'Avril peut, suivant la volonté de certains Acteurs plus puissants ou plus audacieux que d'autres, être raccourcie ou considérablement allongée. Afin que Joker - ou plutôt les Jokers puisqu'ils sont deux, nous ne tarderons pas à l'apprendre - puissent mener à bien leur mission personnelle. Dans ce premier tome, on apprend que la tâche principale de Joker, le directeur du Cirque, est d'autoriser celles et ceux qui le désirent à changer de territoire - et de saison. Pour ce faire, c'est bien simple : accepter de jouer aux cartes avec lui. En apparence, rien de bien méchant, d'autant que Joker, sous sa tenue d'Arlequin à grelots, avec son masque blanc à la ceinture et son maquillage de pirate (l'oeil gauche est toujours en noir et l'autre ne porte aucune couleur autre que le maquillage de scène habituel), paraît un homme charmant. Quant à ses spectacles, tout le monde est unanime sur la question : ils sont fabuleux !

D'où vient alors que - Alice s'en aperçoit tout de suite - dès qu'ils ont vent de l'arrivée de Joker, les membres de son entourage commencent à se montrer plus nerveux et beaucoup plus attentifs à son égard ? C'est aussi à ce moment-là qu'elle a l'impression - ce n'est qu'une impression - de voir sa mémoire lui jouer des tours : un souvenir qui lui échappe, qu'elle poursuit et ne rattrape jamais ... Sans oublier les rêves, les rêves qui recommencent, avec une Lorina qui, visiblement, a des reproches à lui faire ...

Lors de cette Saison d'Avril, Nightmare est-il bien le seul à diriger le Royaume de Trèfle ? N'y aurait-il pas, çà et là, quelques interférences qui aboutiront à une lutte aussi bien dans le domaine souterrain de Joker que dans celui, plus aérien, du Démon des Cauchemars ?

Enfin, enfin, lecteur, aurons-nous les réponses à toutes les questions que nous nous posons depuis treize volumes ? ... ;o)
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