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Critique de Woland


Etoiles Notabénistes : *****

Clover No Kuni No Alice - Cheschaneko To Waltz
Traduction : Tony Sanchez
Adaptation graphique : Clair Obscur

ISBN : 9782355925672

ATTENTION AUX SPOILERS : VOUS ETES PREVENUS ! ;o)


Si le Cycle de Coeur pouvait être considéré comme une adaptation, considérablement modernisée, des romans de Lewis Carroll, celui de Trèfle souligne et développe l'aspect sexuel de ce véritable mythe littéraire que sont devenus "Alice au Pays des Merveilles" et son corollaire, "Alice Derrière le Miroir." Nous restons néanmoins dans le manga shôjo et si ce tome contient des scènes un peu libertines (avec des dialogues à double sens et même parfois très clairs), nous sommes bien loin, je vous rassure, de la pornographie de bas étage. ;o)

Le but recherché pendant les sept volumes du Cycle est double :

1) tout d'abord, amener Alice à oublier certains éléments douloureux de son passé, ce qui lui permettra de demeurer à Wonderland

2) et enfin la guider, avec autant de douceur que possible, vers l'acceptation de sa féminité - et de l'âge adulte.

Dans le Cycle de Coeur, elle n'était prête ni pour l'un, ni pour l'autre.

Il faut bien convenir que Peter White et ses démonstrations de tendresse pour le moins théâtrales - ce qui n'enlève rien d'ailleurs à la sincérité de ses sentiments - ont eu pour elle, très tôt, tout d'un repoussoir. Nous l'avons vu, elle ne supporte White que s'il adopte un aspect de peluche. Alors, comme elle le dit, elle "craque" et interdit à tout le monde, y compris au Tout-Puissant Chapelier, de porter ne fût-ce que le bout d'un gant sur le mignon petit Lapin Blanc. Mais n'est-ce pas un peu comme si la jeune fille cherchait ainsi à préserver une part d'enfance où elle puisse se réfugier à tout moment ?

Quant à Blood Dupré, il ne faut pas avoir consacré l'intégralité de sa bibliothèque à collectionner les romans les plus sentimentaux de la planète pour s'apercevoir que le type de sexualité qu'il symbolise est celle d'un homme ayant déjà beaucoup d'expérience, rendu sûr de lui par ses réussites, aimant séduire mais capable de se fixer pour peu qu'il le décide. Allons plus loin. La sexualité représentée par le Lapin Blanc est relativement simple et pourrait relever de celle que l'on pratique soi-même en solitaire. Sexualité peut-être riche en fantasmes mais certainement pas prête à franchir le gouffre qui les sépare de leur réalisation ... Avec le Chapelier au contraire, nous atteignons à une sexualité beaucoup plus complexe où règne sans partage (il faudrait se voiler la face pour le nier) la relation dominateur-dominé. Ajoutons à cela que l'amitié réelle, pleine et entière, que lui voue le Lièvre de Mars peut s'interpréter d'une façon bien précise et que, si l'on adjoint à tout cela la manie des Jumeaux de tout faire toujours ensemble, l'imagination peut cabrioler un bon bout de chemin !

Du côté de Peter White, donc, une sexualité presque épurée et rêveuse, qui ose à peine dire son nom et se dissimule derrière des déclarations dont l'audace est inversement proportionnelle. Avec Blood Dupré, une sexualité qui a osé pas mal de choses tout en se gardant des perversions extrêmes et nauséabondes, mais qui associe nettement sexe et domination à la limite de la douleur physique. Ne perdons pas de vue non plus que le Chapelier tient également à dominer mentalement alors que le Lapin Blanc, lui, pourvu qu'Alice soit à ses côtés, accepterait de se soumettre à elle sur tous les plans.

Avec les nouvelles amours qui s'ouvrent ici pour Alice - et qu'elle aura oubliées quand sonnera l'heure du Joker - c'est le Chat du Cheshire qui mène la danse - le cycle n'est-il d'ailleurs pas sous-titré "Cheshire Cat Waltz" ? Mais cela implique que la jeune fille accepte de se savoir amoureuse. En ce sens, Boris devient plus rassurant que Peter et il est bien sûr inutile de le comparer à la puissante aura à la fois intellectuelle, sensuelle et sexuelle qui nimbe le cynique mais si séduisant Chapelier.

L'astuce est habile : Boris conserve un peu de sa nature féline originelle et un chat, tout le monde le sait, aime à marauder. Non par méchanceté mais parce que c'est dans sa nature. Alice le remarquera et le fera remarquer un certain nombre de fois, se remémorant au passage sa chatte, la petite Dinah, qui venait lui réclamer des caresses mais s'en allait dès que la chose lui devenait importune.

Sans exagération, l'on peut affirmer que l'essentiel de ce tome repose sur cette attirance qui s'installe insidieusement - et sans qu'Alice en saisisse réellement les raisons - entre la jeune fille et l'homme-chat. Par sa nature féline, qui le pousse à ronronner même lorsqu'il porte costume BCBG et cravate de soie, Boris est parfaitement capable de rappeler les peluches qui rassurent tant Alice et Vivaldi (on remarquera d'ailleurs que la Reine de Coeur paraît elle aussi avoir un faible pour le Chat du Chester). Mais, par ses besoins typiquement masculins, il fait un prétendant humain acceptable en ce sens que, à la fois fasciné et quelque peu méfiant devant une union qui présenterait quelque chose de définitif, il saurait se contenter du minimum. Les risques de le dépeindre sous la forme peu sympathique d'un simple coureur de jupons qui vous quitte au matin, après une nuit de méfaits bien accomplis mais sans lendemain, ont été limités dès la série de Coeur par le fait que Boris est le premier habitant du Royaume de Coeur (Peter se maintenant pour une fois hors jeu puisque c'est lui qui a contraint la jeune fille à le suivre à Wonderland) à qui Alice est parvenue à donner une idée de ce que représentent l'amitié et la peur de perdre un être que l'on apprécie, d'amitié ou d'amour. Au reste, le Chat du Chester est persuadé, dès le premier volume du Cycle de Trèfle, que, s'il a été à même de suivre le déménagement, c'est uniquement parce qu'il lui était impossible de se séparer d'Alice : les sentiments qu'elle lui inspire, quels qu'ils soient, étaient trop puissants pour ne pas franchir avec aisance l'obstacle imprévu du déménagement.

Sinon, parmi plusieurs scènes un peu libertines (mais fort délicatement dessinées) entre Alice et son nouveau chevalier servant, on apprend que Pierce Villiers, le Loir insomniaque, sert de "nettoyeur" à Sa Seigneurie le Chapelier ; que le Chevalier de Coeur, même sans Julius, s'entête à embrocher des corps et à récupérer les montres qui leur servent de coeurs ; que les "Assemblées", présidées par un Nightmare qui ronge son frein tout en alignant dossiers et discours, se retrouvent parfois égayées - si l'on ose dire - par un duel inattendu, ces messieurs n'ayant pas perdu l'habitude, déménagement ou pas, de dégainer épées ou automatiques à tout propos et que le fameux déménagement est encore responsable de certains effondrements de terrain dans la forêt où, une fois de plus, attendu que tout le monde (de White à Boris en passant par Elliott, Blood et même Ace) lui a conseillé de ne pas s'y risquer seule, Alice finit par se retrouver plutôt en fâcheuse posture à la fin de ce deuxième volume.

Enfin, pour pimenter la sauce (et nous amener vaille que vaille au septième tome), un Chapelier souriant mais curieusement bien calme (sauf quand il est seul avec Alice), un Nightmare qui ne redevient lui-même que dans son domaine des Rêves et des Cauchemars d'où il semble veiller au grain sur la partie en cours, un Ace de plus en plus ambigu, voire carrément inquiétant, dont on ne sait s'il s'attache ou fait semblant de s'attacher à Alice et un Peter White qui se fait beaucoup, beaucoup de souci pour Alice, bien entendu, mais aussi pour un certain dimanche après-midi ... Au milieu de tout cela, va, roule, tombe mais ne se casse pas le petit flacon de potion que le Chapelier a forcé Alice à boire lorsqu'il l'a ramenée au Royaume de Coeur et que la jeune fille, ressentant de moins en moins d'intérêt pour le liquide dont il se remplit à nouveau mais en moindre quantité que dans le Cycle de Coeur, a abandonné en principe dans un tiroir, au Parc d'Attractions auquel elle n'a plus accès. Et puis des escaliers, des portes, toujours ces fichues portes, qui parlent ou se taisent, dans cette forêt aussi mystérieuse qu'instable, dans laquelle se déplace même une baleine ...

Sans oublier la silhouette de Lorina, son souvenir plutôt, qui revient hanter les rêves d'Alice en lui reprochant ... La jeune fille ne parvient pas à comprendre ses reproches et cela la trouble beaucoup ...

Mais ce que le lecteur, lui, comprend, c'est que Nightmare, Peter, Ace et le Chapelier - et peut-être Boris lui-même - en savent bien plus qu'ils ne veulent nous en dire pour l'instant ... ;o)
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