Dans le monde anglophone du moins, l'interprétation habituelle construite par les journalistes dans les années 1980, avant de se répandre largement, est que le punk émergea parce que le rock progressif, devenu trop intellectuel, trop fervent d'improvisation musicale et d'albums conceptuels, avait oublié la "vraie" vocation du rock'n'roll : stimuler et exciter les adolescents avec des chansons de trois minutes, mélodiques et simples.
Le terme "punk", issu de l'argot, désigne tout ce qui n'est pas recommandable : voyou, pourri, homosexuel, prostituée, et appartient à toute cette série de jurons anglais en quatre lettres et une syllabe : "Fuck, shit, punk !".
Du haut de cette épingle à nourrice, quarante ans d'histoire vous contemplent.
Le jeune âge constitue l'unique véritable constante des différentes scènes punk. S'il n'est guère aisé de tirer des conclusions en terme de dynamique de classe, la composition sociale variée des scènes punk vient nuancer les approches simplistes qui font du punk tantôt une mode prisée par une avant-garde artistique, tantôt l'expression révoltée d'une jeunesse ouvrière subissant la crise de plein fouet.
Une même dénomination - punk - peut revêtir des significations opposées. C'est par exemple le cas entre le punk est-allemand et le punk ouest-allemand. Pankow, batteur du groupe Planlos le formule ainsi : "L'Ouest ne m'a jamais intéressé, et les punks de l'Ouest d'autant moins qu'il leur suffisait d'aller dans un magasin pour acheter leurs blousons noirs ou leurs bracelets à clous".
[...] le punk s'érige contre la société des années 1970. Au milieu universitaire répond celui des écoles d'art ou de l'absence de formation, au pacifisme répond la valorisation de la violence, au voyage dans le tiers-monde le localisme, au travail militant celui de la vie nocturne, au culte de la nature la revendication de l'espace urbain.
Et c'est là toute l'ambiguïté du punk qui oscille entre plaisir et dénonciation politique. Certes, on arbore une veste avec le "A" d'anarchisme et des épingles à nourrice pour provoquer, troubler le consensus, mais on le fait avant tout parce que c'est fun. L'un ne va presque jamais sans l'autre. Le discours employé par les scènes punk a ainsi la particularité de pouvoir exprimer une révolte et se dérober à sa signification référentielle. La dimension du plaisir demeure essentielle.
[...] plus que de dénoncer la crise économique, l'émergence des scènes punk traduit la perte de légitimité des modèles de société de l'après-guerre, qu'il s'agisse du socialisme en Allemagne de l'Est ou du libéralisme partout ailleurs. La revendication d'une rupture totale s'inscrit à la fois dans le rejet de la société et dans une volonté de construire une culture qui soit radicalement nouvelle, libérée de toute forme d'héritage.
Le punk c'est l'émeute et le plaisir.