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Critique de Brize


Christiane Tarpenbeck a disparu. La quarantaine, institutrice, elle a défrayé la chronique pour avoir tenu, en classe, des propos racistes à l'égard d'une jeune Somalienne. Mais qu'en est-il exactement ? Certes, Christiane était spéciale, au point que Roland, son fils de 23 ans, souhaitait la voir définitivement sortir de son propre paysage. Pourtant, l'image que les média donnent d'elle ne correspond pas à ce qu'il connaît de sa mère.
Son absence l'inquiète et il fait appel à une détective, Laila Voss. Sa technique d'investigation ? A chacun de ceux qui, de près ou de loin, ont connu Christiane, elle laisse un magnétophone à cassettes et lui demande d'enregistrer tout ce qu'il a à dire à ce sujet. S'ensuivent des témoignages divers, qui en révèlent autant sur les individus s'exprimant que sur Christiane, jusqu'à ce que le projecteur se braque directement sur elle …

– J'ai une préférence pour les histoires fragmentaires. Et surréalistes.
– Pourquoi cela ?
– Parce qu'elles laissent de la place à l'imagination.
– Mais les gens n'ont pas tous assez d'imagination.
– J'envie ceux qui en ont peu.
– Et pourquoi ?
– Parce qu'ils ont moins peur.
Cet extrait du dialogue entre Roland et Laila Voss (c'est Roland qui parle en premier, après que Laila lui a expliqué qu'elle se fait fort de retracer la chronologie des événements concernant Christiane) donne une idée de la tonalité du roman, où la réalité est toujours un peu décalée. le policier Edgar Lehmstedt rêve d'Arizona, dessine des cactus à longueur de temps et souffre d'une boursouflure à l'orteil (boursouflure aussi chez Christiane, mais pas au même orteil et elle disparaît dès qu'elle se retrouve face à un médecin, c'est « l'effet blouse blanche », explique-t-elle). Chez Roland, « tout [est] flasque, insaisissable ou absent ». Lerke, la soi-disant meilleure amie de Christiane, auteure de romans à l'eau de rose, vit à des années-lumières d'elle et avoue avoir toujours considéré son excentricité comme un fardeau. Christiane, quant à elle, fumeuse acharnée à l'alimentation surprenante (du pâté de tête au petit-déjeuner), affronte son principal et paradoxal problème : « que peut-on faire quand on se sent seul mais qu'en même temps, on redoute les gens ? ». Elle perd pied lorsqu'elle se retrouve en vacances, fait un rêve récurrent où elle est un générateur de hasard et sent une bizarre odeur de moisissure envahir son appartement, tandis que son voisin, qui la harcèle, s'acharne à concocter des moutardes aux recettes improbables.
Le roman fourmille de notations et de situations qui révèlent, sur un mode tragicomique, ces étranges étrangers que les uns sont pour les autres et parfois pour eux-mêmes, quand ils peinent à se cerner. Au travers de ces histoires particulières, dont celle de Christiane, toute atypique qu'elle soit, on a un aperçu en mode kaléidoscopique de la société allemande actuelle, où même les petites filles modèles ne sont plus ce qu'elles étaient.
« Hôtel Jasmin », fiction originale à l'écriture immersive et au dénouement bluffant, nous plonge dans un entrelacs d'existences chaotiques dont on n'a aucune envie de s'extirper : une réussite !

Lien : https://surmesbrizees.wordpr..
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