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Critique de marguerite18


Lu ce beau roman de Ramuz écrit en 1906 et paru l'année suivante.
Emile Magnenat, notaire à Arsens (petit bourg imaginaire évoquant Aubonne) d'origine campagnarde, âgé de trente-cinq ans, épouse Hélène Buttet, jeune fille de bonne famille montée en graine, peu jolie et de santé chancelante. le jeune couple vit avec la mère d'Hélène qui le régente. Hélène annonce à son mari une grossesse et celui-ci se rêve déjà père d'un fils, mais sa femme s'est trompée. Ayant renvoyé sa bonne, Mme Buttet engage par économie Frieda, belle et hardie volontaire venant du canton de Soleure et désireuse d'apprendre le français, qu'elle doit loger et nourrir sans avoir à la rémunérer. Frieda ne peut être traitée tout à fait comme une domestique et mange avec la famille de sorte qu'Emile la côtoie et subit l'attrait de son charme sensuel. Lors d'un bal organisé à l'occasion d'une fête des musiques vaudoises, il s'enhardit, malgré sa timidité et sa maladresse, à la faire danser. Hélène, atteinte de pleurésie, semble se remettre mais elle rechute et meurt. Peu de temps après ce décès, Emile noue une liaison avec Frieda, ce qui scandalise le voisinage, le contraignant ainsi à quitter Arsens pour s'établir à Lausanne où il épouse Frieda. Celle-ci se montre friande de jolies choses et fort dépensière. Les affaires du notaire, confronté à la concurrence d'autres praticiens, vont mal et la mésentente s'installe dans le couple, malgré la naissance d'un fils que Frieda s'entête à appeler Gottfried, ce qui n'est pas du goût de son conjoint. Emile participe à un projet d'exploitation d'une poudre énergétique tirée des substances laitières, qui s'avère un échec achevant sa ruine. Frieda le quitte au profit d'un français hâbleur, M. Lambelet qu'elle a pris pour amant.
On peut déceler une influence flaubertienne dans ce roman. Les noces d'Emile et Hélène sont décrites comme l'ont été celles de Charles et d'Emma dans Madame Bovary. A Lausanne, Frieda succombe comme Emma à l'ennui. Comme Emma, Frieda, très coquette, fait de grands frais de toilette à crédit. Emile partage la faiblesse de Charles et son épouse le tient pour un sot. Cependant l'amour qu'Emile porte à Frieda se distingue de celui de Charles pour Emma en ce sens que le premier se résume à une passion sensuelle, ce qui n'était pas le cas du second.
Ramuz oppose d'une manière un peu manichéenne la vie dans le petit bourg d'Arsens, paradis terrestre duquel Emile est en quelque sorte chassé par son inconduite à l'existence dans la ville de Lausanne où commencent ses tribulations. On devine l'auteur méfiant devant l'expansion urbaine et les entreprises commerciales, donnant une issue néfaste à l'initiative d'Emile qui, après tout, aurait pu réussir. A la fin de l'oeuvre, Emile repense avec nostalgie au temps de sa vie à Arsens, sans souci du lendemain, tous les jours alors se ressemblant. Il se souvient aussi de sa première épouse, Hélène, et se sent responsable de la mort de celle-ci, qui avait senti son détachement au profit de Frieda. Il s'estime puni. On sent la réticence, la crainte de l'auteur devant la sexualité. le magnétisme sensuel de Frieda - figure dénuée de toutes qualités morales et un peu caricaturée - a causé le dévoiement d'Emile qui n'aurait pas connu tous ses déboires s'il s'était contenté d'Hèlène, petite, maigre et sans attrait, mais douce et aimante. Avec Frieda, même la paternité est empoisonnée. La naissance du fils d'Emile ne le réjouit pas profondément comme l'aurait fait un enfant d'Hélène car il n'attendait rien d'autre d'elle tandis que le lien charnel avec sa deuxième épouse lui suffit. Après l'abandon de Frieda, la présence du petit Gottfried ne peut le consoler car il ressemble en tout point à sa mère et Emile en vient à douter de sa paternité, ce qui annonce un des thèmes du prochain ouvrage de Ramuz, "Jean-Luc persécuté".
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