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Critique de dourvach


Voici une oeuvre totalement "expérimentale" de notre cher C.F. Ramuz (1878-1947)...

Nous sommes le 31 juillet 1918 dans un endroit réputé "de Paix" : orages lointains des dernières semaines de la "Grande Guerre" (mais on ne le sait pas encore)... Dernières convulsions mortelles d'une épidémie de grippe dite "espagnole"... Ombres rougies, sans cesse renaissantes, de la Grande Révolution de 1917 en terre tsariste... Un orage de grêle qui s'annonce sur les coteaux du bord du Lac...

Unité de lieu, unité de Temps... De l'aube à la nuit tombée... Vingt-quatre heures d'une (fausse) Tragédie en XV chapitres et l'une des 21 oeuvres dites "romanesques" les plus courtes du prosateur-poète suisse & universel...

Caille, le colporteur évangéliste, en sera le principal protagoniste, le fauteur de troubles (mais aussi le f...teur de m...e, en un sens !). Sauf que cela lui sera - au final - lui sera fatal, d'annoncer ainsi - perpétuellement, d'atelier en atelier, et de maison en maison - que "Les Temps" (de l'Apocalypse) sont Enfin Venus ! Qu'il "faut se préparer", etc. (...) Que les Cieux s'entrouvriront...

Cette petite bourgade au bord du Lac (ce Lac Léman, que nous reconnaissons, bien sûr !) va-t-elle résister à tout ce qui lui tombe du ciel ? Les canons à grêle que l'on tire (car la Guerre n'est-elle pas déclarée par les viticulteurs contre les forces de la Nature ?) sauront-ils calmer les fulgurances et la noirceur diabolique du grand ciel ? Jusqu'aux ouvriers de la Verrerie qui se mettent en grève, avec leurs cannes à souffler le verre sur l'épaule - tenus comme des crosses de fusil... Hypnotisés par les nouveaux Temps, dirait-on... et dangereux ! Ils se mettent à tout casser (jusqu'au piano désaccordé) dans la salle-à-boire du café jouxtant leur usine ...

C'est qu'ils ne sont pas si pacifiques, eux, dans leur hypnose idéologique collective, contrairement aux ouvriers verriers bavarois mis en scène que dans le très beau, très secret et encore tout flamboyant "Herz aus Glas" ("Coeur de Verre", 1976) de Werner HERZOG...

Souvenons-nous de son argument : " En Basse-Bavière, au XVIIIe siècle, un maître verrier, Mühlbeck meurt en emportant le secret de la fabrication du Verre-Rubis. Le berger Hias, qui possède un don de voyance, prédit dans le même temps la destruction du village et l’Apocalypse. Le maître de la verrerie se lance corps et âme dans la recherche de la formule du Verre-Rubis, sa quête tournant bientôt à l’obsession. Il entraîne avec lui les villageois qui, bientôt, accomplissent les prédictions de Hias…"

Pour ces "Signes parmi nous" de RAMUZ, nous pouvons dire qu'il s'agit d'un récit impressionnant mais que sa construction (hésitante ou chaotique) est parfois déroutante. Expérimentation, oui... Recherche visible d'une nouvelle forme de récit.

RAMUZ cherchait donc, une fois de plus, à "changer de forme", changer de peau... et cela se sent souvent à son style parfois tâtonnant, beaucoup moins maîtrisé - car volontiers redondant malgré les multiples réécritures de son "récit"... et un perfectionnisme qui va ici jusqu'à une certaine "souffrance" perceptible dans l'écriture (néanmoins toujours très poétique).

Les personnages - bien que crédibles - ont du mal à s'imposer à notre conscience.

Ceci dit - et entre nous - cette oeuvre de 1919 sera à mes yeux toujours plus crédible que, cent ans après ces "Signes", le septième opus de l'insignifiante Grand'Oeuvre houellebecquesque, qu'on nous présente depuis quelques semaines comme "L'Evénement Littéraire" [???] de ce début d'année... (On peut, en effet, s'étonner d'un très curieux unanimisme critique devant l'indigence et l'insignifiance de cette habituelle "apocalypse" stylistique et artistique dont le contenu narcissique frise l'anecdote).

"Les Signes parmi nous" viendra juste après les flamboyants romans-poèmes que demeurent "Le Règne de l'esprit malin" (1917) et "La guérison des maladies" (1918).

L'exigeant RAMUZ se relèvera (à nos yeux) dans les années qui suivront "Les Signes parmi nous" en publiant un exceptionnel nouveau chef d'oeuvre en 1921 : "Terre du Ciel" (ré-édité sous le titre "Joie dans le Ciel" en 1925 par Bernard Grasset)... un ouvrage que nous venons également de critiquer. :-)
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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