AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de RChris


88% du transport des marchandises se fait par la route et nous venons de mesurer, à l'aune de la crise de la COVID-19, l'engagement vital des routiers.
Ayant rencontré récemment un des leurs et lui demandant si son image avait récemment gagné en respectabilité, il me répondit : "L'état de grâce n'a duré que 15 jours". Sa répartie est ainsi proche des propos du livre "Routiers" qui affirme qu' "ils sont indispensables à l'économie mais se sentent méprisés".

Jean-Claude Raspiengeas a fait un travail approfondi de journaliste.
Il alterne ainsi quatre reportages in vivo dans la cabine des 44 tonnes de Bruno, Pierre, Stivelle et Annick, avec des analyses : sur la pression de la mondialisation du flux tendu des livraisons, sur la progression exponentielle du e-commerce qui "agit comme un gigantesque aspirateur à camions qu'il recrache sur les routes, avec des chauffeurs cadenassés par l'impératif de l'urgence", sur la désaffection du métier par les jeunes "privés de la jouissance de se croire encore capitaine de cargo ", sur la traçabilité par des puces placées jusque dans les pneus qui géolocalisent la présence et le parcours des hommes, leur donnant l'impression de porter un bracelet électronique. Il chapitre également les courses de camions, l'évolution des véhicules en termes de réduction de la pollution et de sécurisation, les restaurants routiers...

Il rappelle qu'il y eut une époque faste pour les routiers, celle où les mots convivialité, entraide, liberté, autonomie avaient du sens. Ils étaient à l'antenne de R.T.L. tous les soirs avec Max Meynier et son émission dont l'intitulé était clair : "Les routiers sont sympa", mais ça c'était avant !

On mesure comment un bouchon ou un retard de chargement ou de déchargement du poids lourd peut entraîner un retard qui impactera leur timing serré, bousculant les obligations de pause et d'amplitude de conduite, avec pour conséquence fâcheuse le fait de devoir passer le week-end sur un parking. Cela explique aussi les véhicules garés “à l'arrache” le long des routes par obligation à l'extrême de prendre sa pause obligatoire.

Les routiers sont souvent traités d'assassins de la route, de pollueurs. La récente crise sanitaire a mis en lumière l'importance vitale du rôle des premiers de corvée, puisse ce livre contribuer à mieux comprendre qu'ils sont victimes d'un système qui aboutit à des comportements erratiques.

C'est un travail journalistique richement documenté. On notera le soin apporté à l'édition avec quelques phrases illustrées de photos graphiques, des encarts comme ceux sur le magazine "Les routiers" ou sur le mythe Berliet, des épigraphes pertinentes...

Ce livre, démarré en janvier 2019, a été actualisé suite au confinement.Il constitue une véritable observation sociologique des "forçats du bitume" qui les sort de l'invisibilité, de la déconsidération ou du rejet.

Commenter  J’apprécie          310



Ont apprécié cette critique (30)voir plus




{* *}