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Critique de Musa_aka_Cthulie


Olivier Razemon nous livre un essai sur le vélo à la fois intéressant et frustrant.

Intéressant, parce qu'il fourmille d'infos sur l'utilisation du vélo et qu'il ne limite pas son propos à la France. On aurait forcément beaucoup perdu à se trouver coincé dans une vision purement hexagonale de la chose, et c'est d'ailleurs sans surprise qu'on notera que le Danemark et les Pays-Bas sont, décidément, toujours à la pointe de la transition cyclable. Mais les exemples qu'il va chercher - négatifs aussi bien que positifs - sont pêchés dans le monde entier et reposent sur différentes méthodes d'investigation : entretiens avec des citoyens lambda - cyclistes ou pas-, des élus, des membres d'associations, lecture de la presse, ouvrages spécialisés sur le sujet, études, et, ce n'est pas négligeable, l'expérience propre d'Olivier Razemon, qui non seulement se veut un utilisateur quotidien du vélo mais tient aussi un blog sur le sujet. Et en sus de la bibliographie, les notes en bas de pages renvoient à ces multiples sources et donnent des références que l'on pourra donc consulter pour aller plus loin.

Le plus intéressant dans cet essai, à mon sens, c'est le lien que noue tout au long l'auteur avec son autre sujet de prédilection, à savoir la déréliction des villes, sous forme de bétonisation et invasion de la voiture, entre autres fléaux. Donc, à travers l'éloge de la transition cyclable, on trouvera ici une critique sans concessions de l'utilisation insupportable et quasi autoritaire de l'automobile, pour ne pas dire infâme. Devant supporter tous les jours les voitures garées sur les trottoirs, sur les pistes cyclables, et autres joyeusetés du même acabit, j'étais déjà plus que consciente du problème. Mais je dois bien avouer qu'Olivier Razemon m'a fait franchir un pas de plus. Olivier Razemon accumule donc les arguments en faveur du vélo pour prouver qu'il y a beaucoup d'inconvénients à utiliser sa voiture au quotidien, et beaucoup d'avantages à choisir le vélo, comme la qualité de vie, le coût pesant sur le budget et le temps gagné pour de courts et moyens trajets.

D'autres qualités à noter, bien entendu, notamment les passages relatifs aux initiatives d'associations, dont on entend peu parler en général. On voit surtout que la politique de transition cyclable en France n'avance pratiquement pas, que, lorsqu'elle existe, elle est en grande partie incohérente et qu'on investit très peu dans ce domaine. Pire, on investit mal, comme le montre très bien l'exemple des Velib' et consorts, dont je n'aurais jamais imaginé qu'ils pouvaient plomber à ce point l'utilisation du vélo au quotidien. Et comme, bien entendu, la transition cyclable ne relève pas que des élus mais également et avant tout de l'ensemble citoyens, Olivier Razemon s'attache particulièrement à relever et à démonter les réticences des personnes qui se refusent encore à monter en selle régulièrement. Bon, j'avoue que par moments, je suis restée dubitative devant la réalité de certains clichés dénoncés. Il ne me semble pas que le vélo soit autant objet de caricatures qu'il l'affirme, mais bon, ce n'est qu'une impression personnelle.

Problème (on arrive au côté frustrant) : l'auteur veut dénoncer les clichés et, paf, il tombe en plein dedans. Ainsi, par moments, il se laisse aller à décrire le cycliste du quotidien comme quelqu'un doté de presque toutes les qualités... Franchement, je n'exagère pas ce trait qui revient de temps à autre et qui est, tout de même, gênant. Gênant, mais pas autant que son allusion aux femmes de ménage qui ne vont travailler que chez trois employeurs par jour alors que, s'il elles enfourchaient une bicyclette, elles pourraient en faire davantage. Hum, hum, hum... Là, je me dois de dire nettement : non, on ne peut pas écrire ce genre de chose lorsque, d'un autre côté, on veut prouver que le vélo n'est pas réservé aux "bobos". Parce que qu'est-ce que fait d'autre qu'Olivier Razemon ici, si ce n'est montrer qu'il est un bourgeois aisé, qui a la chance d'avoir un boulot sympa et très bien rémunéré, qui emploie peut-être lui-même du personnel de maison, mais qui n'a aucune idée de ce que vivent les femmes de ménage au quotidien ? Soyons clairs : cumuler deux boulots et deux employeurs dans la même journée, c'est désagréable, en cumuler trois, c'est carrément pénible, alors ne parlons pas d'en cumuler quatre. Surtout qu'avec trois employeurs en un jour, une femme de ménage peut facilement arriver à sept-huit heures travail, si ce n'est plus... Et c'est sans compter que les aides à domicile qui doivent cumuler beaucoup de petits contrats (bien au-delà de trois) dans une même journée, ça existe malheureusement en nombre, et que ce modèle en termes de travail ne correspond carrément pas au mode de vie et au type d'économie (solidaire, sociale, éthique) que prône Olivier Razemon. Il y a là un paradoxe qui me dérange beaucoup.

Dernière chose : qu'a donc Olivier Razemon contre les piétons ? En gros, le propos qui revient constamment, c'est que les personnes qui choisissent de marcher plutôt que de prendre un vélo pour se déplacer au quotidien sont des idiots qui n'ont même pas pensé qu'ils pourraient pédaler au lieu d'user leurs semelles. Je suis de ces personnes, et si je marche - alors que mon conjoint et une de mes meilleurs amies parcourent chaque jour 12 ou 20 kilomètres avec leur vélo pour aller travailler, ce qui prouve que je connais un peu de quoi il relève ici, tout de même -, c'est parce que c'est un choix, que je préfère marcher et prendre mon temps plutôt que de pédaler pour aller plus vite (bien que je sois cependant une utilisatrice occasionnelle du vélo), ou bien encore que je vais plus vite à pied qu'en prenant un vélo (sur une distance d'un kilomètre, c'est sans appel). Alors un peu plus de respect, jeune homme, pour ceux qui marchent tous les jours, car il me semble que ce ne sont sûrement pas eux qui freinent la transition cyclable ! Ah mais alors !
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