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Critique de fabienne2909


« J'avais été une enfant sage. Obéissante, serviable, respectueuse de mes aînés. J'avais lu la Bible. J'avais déposé des pêches dans les paniers comme si chaque fruit était fait du verre le plus fin. Grâce à moi, la maison était toujours propre, les ventres pleins, le linge plié, la ferme tenue. Je ne posais pas trop de questions, ne laissais personne m'entendre pleurer. J'avais appris par moi-même à grandir sans mère. Puis j'avais croisé par hasard un inconnu crasseux au carrefour de la Grand-Rue et de la rue North Laura et j'étais tombée amoureuse. Tout comme une seule averse suffit à éroder les berges d'une rivière et à en changer le cours, un événement unique dans la vie d'une jeune fille peut effacer ce qu'elle était auparavant ».

Un seul événement, et c'est l'effet papillon, la chaîne des conséquences qui s'enclenche pour changer du tout au tout une vie, en l'occurrence celle de Victoria Nash, l'héroïne de ce roman touchant. On le sait dès le début, avec la scène inaugurale de cette histoire, que cette vie ne sera pas facile, dramatique, mouvementée comme les rapides de la Gunnison au bord de laquelle celle-ci se déroulera.

« J'irai où la rivière me porte », a dit un jour à Victoria Wilson Moon, l'inconnu crasseux de la citation ci-dessus. Au-delà de la poésie que cette phrase comporte, on y lit une philosophie de vie, celle d'une liberté à laquelle Victoria adhèrera dès sa rencontre fortuite avec Wil, dans une rue d'Iola alors qu'elle cherchait son frère Seth, encore une fois en état d'ébriété, pour le ramener à la maison. En un battement de coeur, fini Torie, la fille gentille qui ne se posait aucune question sur le carcan d'une vie domestique qu'elle n'a pas choisie, et qu'elle a endossée automatiquement à la mort de sa mère. Finie Torie la fille serviable qui aidait son père à cueillir puis vendre les pêches Nash, célèbres dans la région pour leur incroyable sucrosité et parfum, et qui s'occupait des hommes de la famille, ingrats et profiteurs, entre l'oncle revenu estropié de la guerre, ayant perdu sa jambe et sa gentillesse, un frère menteur, paresseux et violent depuis toujours, et un père taiseux. Bienvenue à Victoria, cette femme décidée à aimer qui elle le souhaite, en dépit des jugements, et qui en assumera, seule, les conséquences jusqu'au bout, même si cela l'obligera à vivre des événements terribles, déchirants, qu'aucune femme ne devrait avoir à vivre, dans une humilité assez remarquable.

J'ai ainsi vu dans « Va où la rivière te porte » le roman de la découverte d'une femme par elle-même, dans l'adversité, bien décidée à suivre le flot de sa vie et à voir où cela la mènera. le chemin n'a pas été facile ni heureux pour elle, qui dut faire des choix que je n'ai pas compris, et qui m'ont empêchée d'adhérer pleinement au personnage. Ce choix, elle n'aurait pu ne pas le faire, et, même s'il est touchant, il m'a paru artificiel, et je n'ai pu m'empêcher d'y voir le rebondissement permettant à l'histoire de continuer à se développer. À partir de là, je n'ai plus été que spectatrice de ce roman, et, contrairement aux critiques élogieuses que j'ai lues sur le roman, je suis passée largement, et à mon grand regret, à côté.

Pourtant, « Va où la rivière te porte » est un beau roman américain, proche, s'il n'en fait partie, du nature writing puisque les nombreuses, et magnifiques, descriptions de la faune et de la flore avoisinant la Gunnison et les monts Elk, sont magnifiques et saisissants, et valent, ne serait-ce que pour eux uniquement, la lecture. J'ai parfois eu la sensation de me balader avec Victoria dans la forêt, à regarder avec elle le jour se coucher, dans le rougeoiement du crépuscule. C'est à se demander comment ça se fait qu'il n'ait pas été publié chez Gallmeister !

En résumé, les sentiments ont été mitigés pour ce roman, j'en suis la première déçue. Merci aux éditions Robert Laffont et à Babelio pour cette masse critique privilégiée à laquelle j'ai été tout de même ravie de participer.
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