AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Piatka


Piatka
11 septembre 2014
Il était une fois Bénédicte Ombredanne, intelligente, agrégée de lettres passionnée de littérature, belle, âgée de trente-six ans, mariée, deux enfants. Elle avait à l'aube de sa vie adulte tout pour être heureuse, une famille aimante, une boulimique et joyeuse envie de vivre. Un portrait d'une jeune femme d'aujourd'hui dans lequel de nombreuses lectrices pourraient probablement glaner des éléments d'identification.

Mais voilà, les parcours de vie apparemment tout tracés achoppent souvent aux vicissitudes du réel et comme dirait un duo célèbre : les histoires d'amour finissent mal, en général !

Éric Reinhardt, par un procédé d'auto-fiction ingénieux nous l'annonce dès le premier chapitre : il a rencontré en 2008 cette lectrice, ému par une lettre admirable qu'il a reçue à la suite de la parution d'un de ses romans. Ayant ressenti des failles chez cette femme, il a poussé l'investigation - le roman - pour découvrir son histoire, et offrir ici le portrait subtil d'une héroïne au bord du gouffre, compatissant certes, mais non complaisant, car elle semble bien s'être laissée enfermée progressivement Bénédicte, à force de renoncements personnels face à un mari, ami d'enfance terne et sans grande envergure, et deux enfants égoïstes.

Alors naturellement, un jour, elle aspire à se retrouver, à jouir davantage de la vie, à ne plus subir, à " un âge auquel il est impardonnable de se priver des plaisirs, des jouissances, des richesses et des gratifications qu'on est en droit d'attendre de la réalité quand on est une femme sensible, intelligente et cultivée. "
Sur un coup de tête, elle s'inscrit sur Meetic - quelques savoureux échanges virtuels - et rencontre Christian, antiquaire habitant à l'orée d'une forêt qui se propose de l'initier au tir à l'arc et plus si affinités.
Pour la suite, ne comptez pas sur moi. Il faut se laisser embarquer dans les valses-hésitations de Bénédicte, la jalousie maladive de son mari, les révélations de sa soeur...l'héroïne brièvement heureuse n'est malheureusement pas tirée d'affaire, empêtrée dans ses contradictions et atermoiements, elle peine à récupérer les rênes de son existence.

Ce roman de révolte d'une femme, mais aussi de l'auteur me semble-t-il, face au harcèlement conjugal et aux renoncements quotidiens d'une épouse et mère est un bijou de précision psychologique, à l'écriture fluide et agréable.
La tension entre Bénédicte et son mari devient insoutenable au fil du roman, la joie et le plaisir qu'elle parvient à arracher au quotidien ne faisant que péniblement contrepoids.
On a souvent envie de la secouer Bénédicte, signe que l'alchimie romanesque opère, d'autant que plusieurs occasions se présentent à elle pour s'échapper, enfin, dont en filigrane le bonheur de l'écriture qu'elle redécouvre.
" Quel bonheur que d'écrire, quel bonheur que de pouvoir, la nuit, souvent la nuit, s'introduire en soi et dépeindre ce qu'on y voit, ce qu'on y sent, ce qu'on entend que murmurent les souvenirs, la nostalgie ou le besoin de retrouver intacte sa propre grâce évanouie, évanouie dans la réalité mais bien vivante au fond de soi..."

Un magnifique roman témoignage qui peut et souhaite peut-être servir de signal d'alarme aux héroïnes du quotidien.
Commenter  J’apprécie          17820



Ont apprécié cette critique (118)voir plus




{* *}