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EAN : 9782070449026
288 pages
Gallimard (07/03/2013)
3.12/5   72 notes
Résumé :
Diplômé d'une école prestigieuse et obsédé de logique, Jean-Jacques Carton-Mercier est devenu à près de quarante ans un cadre supérieur détestable qui méprise ses contemporains. Égocenrique et conformiste, il se comporte en tyran domestique avec son épouse et ses deux enfants. Mais un fait anodin - l'achat d'un Bounty dans une boulangerie - va déclencher dans sa vie une série de catastrophes. Ce misanthrope sûr de ses valeurs et de sa supériorité intellectuelle va r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
J'ai découvert Eric Reinhardt il y a deux mois, lors de la rentrée littéraire 2014, avec son livre ''l'amour et les forêts". Peu après, j'ai lu "le moral des ménages". J'ai été impressionné par la puissance de ces deux romans qui traitent de thèmes actuels et qui sont très bien écrits. J'ai choisi de continuer avec "Existence", 3ème opus de Reinhardt, édité en 2004, avant d'attaquer ensuite ses deux succès : "Cendrillon" et "le Système Victoria".

J'ai trouvé très peu d' informations sur ce titre sur internet. Quand j'en ai débuté la lecture, le roman ne bénéficiait sur Babelio que de 20 notes, 2 critiques et aucune citation. Je suppose donc qu'il a eu une audience assez limitée lors de sa sortie et que la popularité de Reinhardt n'a commencé à s'amplifier que trois ans plus tard, à la sortie de « Cendrillon ».
Je vais tenter de réparer cette injustice avec mes petits moyens : une critique sur ce site qui convaincra peut-être des contributeurs plus influents. le roman est formidablement bien construit (alambiqué et intelligent) et écrit. Et je vais tenter de vous démontrer que par certains aspects, il peut-être comparé à d'autres ouvrages d'auteurs comme Houellebecq, Simenon ou même, j'ose l'écrire, Sartre.

L'existence en question, c'est celle de Jean-Jacques Carton-Mercier. Il s'est vengé d'une adolescence minée par les complexes par une réussite scolaire puis professionnelle brillante. Après avoir intégré Polytechnique, il est devenu cadre supérieur. Il a choisi son épouse comme il choisira plus tard son appartement parisien, en vertu d'une notation et de critères complexes, lesquels ne prennent en compte ni le charme, ni la séduction. Mais un fait anodin – l'achat d'un bounty dans une boulangerie lors de sa pause déjeuner– va faire voler en éclats la trajectoire rectiligne de cette destinée. Pressé, horriblement stressé, il doit attendre un long moment dans la boulangerie quand soudain, un banlieusard le prend à partie et se moque de lui provoquant l'hilarité de la boulangère et des clients de la file d'attente. Carton-Mercier, si sûr de sa supériorité, est totalement déstabilisé par cette humiliation. Il va ensuite chercher par tous les moyens – enquête et imagination - à connaître la série de petits accidents, imprévus et hasards qui l'ont conduit en ce lieu et à cet instant, qui ont provoqué cet évènement aux conséquences si fâcheuses.

Carton-Mercier a perdu tous ses repères. le récit se déroule sur vingt-quatre heure mais il n'a aucune conscience du temps. Il vit reclus dans son appartement et ne quittera jamais son immeuble, si ce n'est par ses « flash-back » et ses divagations. Il est en pleine confusion. Il avoue que « depuis maintenant plusieurs jours, j'ignore pourquoi, je suis le lieu d'une insurrection cérébrale affolante. » Et le roman va suivre le rythme effarant de cette «insurrection ». Les conjectures, les fantasmes, les souvenirs vont s'enchevêtrer, et souvent se confondre. le lecteur peine parfois à démêler la véritable trame du récit car ce sont l'angoisse et la névrose qui la guident, et non plus la raison si chère à cet admirateur de Wittgenstein.

Carton-Mercier hait les femmes en général, son épouse en particulier. Il l'humilie en permanence. Elle se nomme Catherine, il l'appelle Francine. Il rejette tous ses désirs : choix d'un appartement, d'une nouvelle décoration, d'une destination de vacances. Même leurs ébats sont dégradants. C'est la frustration qui explique cette haine. Cet homme qui se sent supérieur et qui cherche à tout maîtriser ne parvient pas à faire jouir son épouse, il est impuissant face au plaisir féminin, alors que d'autres qui n'ont pas son intelligence, y parviennent sans effort. Cette épouse qu'il rabaisse a pourtant pris la suite de sa mère puisque c'est elle qui régit toute sa vie, décide ce qu'il mange, comment il doit s'habiller.

Je me permets de rapprocher l'« Existence » de l'existentialisme même si je n'ai qu'une connaissance relative de ce courant de pensée. Carton-Mercier est abattu par une découverte : il n'est pas que celui qu'il pense être, qu'il a choisi d'être, un Polytechnicien admiré et respecté ; il est aussi l'objet de la perception des autres, esclave de leurs jugements, et l'image que ces gens ont de lui semble bien différente de la sienne, puisqu'ils peuvent aussi bien l'estimer que se moquer de lui. Il a construit ses propres illusions pour parvenir à croire qu'il est au-dessus de ces autres qu'il déteste depuis son enfance et contre lesquels il s'est toujours promis de réussir. Il a maîtrisé ses névroses pendant de longues années en se construisant un univers où la logique et l'harmonie dominent. Ses illusions, ses chimères sont fragiles et ne résisteront pas à un évènement fortuit.

Carton-Mercier vit dans la peur des autres : son généraliste, ses collègues, les retraités de son immeuble. Il semble être en plein délire paranoïaque, notamment lorsqu'il déclare : « je suis une île que l'on bombarde, une île que l'on insulte, que l'on éventre, que l'on retourne, que l'on saccage, que l'on démonte pièce par pièce sans ménagement ni scrupule. » Et il a le sentiment que la société entière lui en veut, qu'elle lui brûle l'âme par sa violence et son agressivité.
Deux voisins vont entrer sans raison apparente dans son appartement : un retraité du Fisc et son médecin généraliste. le premier va lui ouvrir les yeux sur son état de délabrement, le second va être un appui qui lui permettra de mieux cerner l'origine deses névroses.

Le récit échappe à toute logique. Tout est absurde. Carton-Mercier est en plein désarroi, il ne parvient plus à comprendre le monde dans lequel il vit. Certaines scènes sont abracadabrantesques. Cela donne des situations insensées, très comiques, notamment dans le dénouement !

Je me suis permis de faire des parallèles avec Houellebecq (narrateur névrosé, frustration sexuelle, société de domination et de violence), Simenon (un être en crise dont la vie bascule après un fait anodin) et Sartre (crise existentielle, 'l'enfer, c'est les autres').

Je vous conseille fortement la lecture de ce roman remarquable. J'ai hâte de lire d'autres interprétations du texte.
Il me reste d'autres romans de cet auteur à découvrir et à critiquer, à bientôt !
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Au commencement…
Jean-Jacques Carton-Mercier est l'archétype d'un cadre supérieur fier et méprisant, qui se rend détestable vis-à-vis de ses collègues, de sa famille, de son prochain. Tout bascule à cause de l'achat d'un simple Bounty. Licencié et abandonné par sa famille, il doit alors faire face à une série de catastrophes. Sa certitude de supériorité se retrouve alors mise en doute par une découverte insupportable : il n'est qu'une représentation dérisoire dans l'esprit et le jugement des autres.

Ce que j'en retiens...
Une satire sociale avec un énorme potentiel philosophique et humoristique, qui est un peu malmenée en lisibilité vu l'approche utilisée par l'auteur : absence de chapitres, de sauts de pages et de silences, citations régulières de Wittgenstein, etc. Une fois la lecture terminée, cette approche de forme apparait néanmoins tout à fait cohérente. Ce texte brut, assez confus et d'un humour désabusé, est finalement à l'image des pensées et de l'existence de son héros, ce qui offre une immersion parfaite.

Une citation soulignée...
« Un hélicoptère survole la ville. Deux lumières rouges clignotent sur sa carlingue en alternance. Sa trajectoire est aussi forte qu'une destinée qui s'accomplit. J'en suis là. Envier aux hélicoptères la rigueur de leur cap. ».

Autour du roman…
RAS.
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Existence est un excellent roman. Un homme qui a construit sa vie sur des faux semblants et qui voit tout son univers s'écrouler dans une file d'attente de boulangerie révèle des passages d'une grande drôlerie. Les descriptions de sa relation avec sa femme n'attirent par contre aucune sympathie et constituent un troublant miroir avec l'amour et les forêts. Les hommes chez Rheinardt sont souvents manipulateurs et lâches mais la déroute infligée à sont personnage n'en est que plus jouissive.
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Existence est le troisième roman publié par Eric Reinhardt, l'existentialisme rencontre l'absurde.
Le narrateur est un homme qui réussit dans sa vie professionnelle et qui vit en mariage heureux; dont l'existence va basculer dans une boulangerie; lorsqu'un enchainement d'évènements le conduit à s'acheter un bounty. le narrateur est coincé dans son appartement, l'histoire est racontée sous forme de flash backs. Deux personnages lui rendent visite pendant ce moment, ces personnages sont-ils réels ou imaginaires, le doute est permis. Ce livre coche pour moi beaucoup de cases, je ne lasse pas de découvrir Eric Reinhardt.
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J'ai adoré ce roman, c'est tellement facile à lire, drôle, intelligent, profond, intense! le mélange des péripéties de la vie de ce personnage sont très bien faits, il faut parfois une ou deux lignes pour se rendre compte qu'on est revenu en arrière dans le temps ou reparti dans le futur tellement c'est subtil... Et c'est de plus en plus fou, de mieux en mieux, on monte en puissance jusqu'à un final hilarant! Et après l'avoir lu on se remémore tous ces passages, et il faut même le relire tellement il y en a. Avec au milieu tout ce questionnement sur la vie et les relations aux autres. Chapeau!!
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Depuis maintenant plusieurs jours, j'ignore pourquoi, je suis le lieu d'une insurrection cérébrale affolante. Pensées, images, dialogues, hypothèses, situations, citations, souvenirs, personnages et inventions diverses traversent mon champ mental en permanence, entrecroisent leurs trajectoires, s'évitent de justesse, sympathisent, se percutent, se séparent, s'associent, se sourient, mûrissent, prolifèrent, s'engendrent les uns les autres, se disloquent en plein vol. Il y a autant d'animation dans mon cerveau que dans un bar-PMU. Sauf que c'est lent, ce spectacle intérieur est d'une lenteur, d'une précision exténuante, feu d'artifice alangui, film super-8 projeté à vitesse lente à la surface tremblée d'un étang. Je commence à avoir mal à la tête.
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Mon appartement depuis quelque temps, lui aussi, c'est une île. Ma personne, depuis quelque temps, elle aussi, c'est une île. Insularisé par le virage fatidique, détouré par l'infamie qui en a résulté, je n'ai jamais été aussi circonscrit depuis cette réclusion forcée dans mon appartement. Mais à l'inverse de l'île ovale que je tiens dans mes doigts, je suis une île que l'on bombarde, une île que l'on insulte, que l'on éventre, que l'on retourne, que l'on saccage, que l'on démonte pièce par pièce sans ménagement ni scrupule.
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Je me suis toujours conformé aux attentes de la société. On a voulu que je sois bon élève, j'ai été bon élève. On a voulu que je décroche Polytechnique, j'ai décroché Polytechnique. On a voulu que je trouve une femme, j'ai trouvé une femme. On a voulu que je fasse des enfants, j'ai fait des enfants. [...] On a voulu que je donne du plaisir, j'ai essayé, je n'y suis jamais parvenu, je n'ai jamais compris comment ça marche.
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- [...]Nous, les hommes, on bande, on frictionne, le plaisir fuse, vous avez le sperme qui gicle...
- Sur les lunettes en écaille, par exemple, me coupe le docteur Desnos sur un ton sacarstique.
- Sur les lunettes en écaille ou ailleurs, peu importe, c'est public, rationnel, attestable par un huissier, au lieu qu'avec les femmes c'est comme toujours dissimulé, sentimental, ésotérique, aléatoire, oriental, irrationnel, évanescent, conditionnel, équivoque, j'abandonne, elles me font chier, je préfère lire le Tractatus. Dans le fond, j'ai mis du temps à m'en rendre compte, je crois que je déteste les femmes.
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Un jour que j'accompagne ma mère à Carrefour, j'éprouve la sensation d'être entouré d'individus médiocres, ordinaires, inférieurs, négligeables, dégradés, résiduels, nécessiteux. C'est de ce jour que date mon aversion pour la populace et les pauvres, la platitude et l'attristante banalité des classe moyenne et ouvrière. Ce dégoût portera à leur comble mes ambitions scolaires, je décide que je ferai Polytechnique, [...].
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