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Critique de Woland


Babes in the Wood
Traduction : Aline Weill

ISBN : 9782253116363

De bout en bout passionnante, cette enquête de l'Inspecteur Principal Wexford, pour lequel le père de l'auteur servit de modèle, entremêle une histoire de disparition, voire d'enlèvement, aux éternelles difficultés relationnelles que le policier entretient avec Sylvia, l'aînée de ses filles, assistante sociale dans un Centre pour Femmes Battues et qui va, à son tour, va se retrouver confrontée à un compagnon violent et profiteur.

Mais au centre de l'affaire, bien sûr : la disparition. le vendredi précédent, les Dade, Roger et Katrina, sont partis passer une soirée à Londres en confiant leurs enfants, Giles, quinze/seize ans et Sophie, un peu plus jeune, à une baby-sitter qui est aussi une grande amie de Katrina : Joanna Troy. Ils rentrent, deux jours plus tard, en pleine nuit, dans une maison paisible et n'ont apparemment aucune idée d'aller voir si les adolescents, qu'ils considèrent pourtant insuffisamment mûrs pour se garder tout seuls, ont trouvé le sommeil. Ce n'est que le lundi matin, alors que son mari est déjà parti à son bureau de marchand de biens, que Katrina, se réveillant vers les neuf heures dans un silence inaccoutumé, jette un coup d'oeil dans les chambres et la salle de bain. Et là : aucune trace de la présence des enfants, encore moins qu'ils aient passé la dernière nuit dans la maison. Idem pour la chambre dans laquelle devait se reposer Joanna. Panique et coup de fil immédiat au commissariat de Kingsmarkham où, comme les enfants sont mineurs, on prend l'affaire très au sérieux.

Très vite, Wexford, accompagné tantôt de Mike Burden, que nous connaissons depuis pratiquement le début des aventures de l'inspecteur, tantôt de Gary Vine, autre inspecteur-adjoint, s'aperçoit que, dans cette affaire, la famille en cause observe pour le moins un comportement qui dérange. le mari, revenu, furieux et en toute hâte, de son travail pour "soutenir" son épouse, paraît excédé, colérique en diable et d'une rigidité morale telle qu'elle en paraît avoir été passée à l'amidon. Il n'a que mépris pour la police et, à peine Wexford a-t-il franchi son seuil, qu'il lui reproche déjà (ou presque) de ne pas ramener avec lui les deux ados disparus. La femme, molle, languissante et, utilisons pour une fois un mot que nous n'aimons guère, quasi hystérique, ne sait que pleurer, se lamenter et s'apitoyer avant tout sur son sort tandis que son époux va lui chercher un verre d'eau ou tente, en la pressant brutalement contre lui, de la ramener à la raison (si elle en a une).

Bien qu'ayant déjà vu beaucoup de choses dans leur métier, les policiers n'en reviennent pas. Roger Dade semble surtout pressé de retourner au travail et Katrina pense déjà qu'elle ne reverra plus ni ses enfants, ni Joanna. Exaspérés mais contraints de garder leur sang-froid, ils s'en vont ouvrir leur enquête par une question qui leur semble clef : qui est Joanna Troy ?

Ils vont découvrir qu'elle était - on se demande bien pourquoi - tombée plus ou moins amoureuse de Roger l'Excité et ne frayait avec Katrina, plus âgée qu'elle et qui ne se doutait de rien, que pour garder un contact avec son époux. de fil en aiguille, en fouillant par-ci, par-là, ils se rendent également compte que le jeune Giles, par ailleurs élève exemplaire dans son lycée, appartenait à une Eglise évangélique anticonformiste. Quant à Sophie, sa chambre révèle bien les goûts d'une adolescente de treize ans, avec les posters de groupes musicaux qui font absolument défaut chez son frère mais tout le monde le confirme plus ou moins aux policiers : elle ne s'entendait pas avec son père et aurait de beaucoup préféré vivre chez la mère de celui-ci, une artiste excentrique qui les a initiés, Giles et elle, au cannabis.

Un père sévère, obsédé par la réussite scolaire et professionnelle de ses enfants, une mère excessivement narcissique et traitée comme un boulet par son époux, deux enfants qui assistent au quotidien à des scènes dont ils se passeraient volontiers et une baby-sitter qui, de toute évidence, avait su conquérir la confiance des deux jeunes gens : en résumé, une famille dysfonctionnelle dont le chef ne semble avoir jamais remarqué le caractère délirant.

Ce qui n'arrange rien, aucune trace de violence n'a été relevée nulle part. Les enfants semblent être partis de leur plein gré dans la voiture de Joanna : ils ont même emporté des vêtements et Sophie, probablement pour passer inaperçue, a renoncé à sa nouvelle veste jaune canari, qu'elle adorait, pour se contenter d'un manteau marron bien plus discret. Avec ça, cela fait des semaines que les inondations paralysent la région, ce qui permet l'hypothèse d'une promenade entreprise avec prudence mais qui, malgré tout, s'est mal terminée ...

Les jours passent, la pluie refuse de s'arrêter, Wexford entasse des sacs de sable pour surélever le muret de son jardin et tente désespérément de faire bonne figure à Callum, le nouvel ami de Sylvia, récemment divorcée de Neil. Callum, pourtant, à ses yeux, est une brute épaisse et il n'est vraiment pas satisfait d'apprendre qu'il a convaincu sa fille de vivre en concubinage avec lui. L'avenir, d'ailleurs, donnera raison à cette défiance paternelle instinctive.

Pendant ce temps, dans la propriété privée mais désertée en hiver qu'il vient récemment d'acheter, Peter Buxton, un quadragénaire qui file sur la pente savonneuse de la cinquantaine mais pense avoir retrouvé toute sa jeunesse en épousant une mannequin superbe et à la langue de vipère, dénommée Sharonne (!!), découvre une voiture renversée dans un talus. L'odeur qui s'en échappe est intenable et nous sommes au début du mois de décembre. La première réaction de Peter serait d'appeler la police et d'accomplir son devoir de citoyen. Mais sa femme, qui redoute le scandale, l'en dissuade.

Ce qui fait qu'il faudra compter à peu près trois semaines de plus pour que le corps de Joanna Troy soit extrait de sa voiture et officiellement reconnu par sa belle-mère, la seconde épouse de son père. L'autopsie révèle qu'elle est morte d'un coup porté à la tête. Mais où est-elle morte ? quand ? comment ? pourquoi ? et surtout, où se trouvent les deux ados sur lesquels elle était censée veiller ?

De ces deux-là en effet, aucune trace et tout le monde sait que plus le temps passe, moins on a de chances, dans ce genre d'affaires, de récupérer les victimes en bonne santé ...

Et puis, un miracle se produit : Sophie appelle. de chez sa grand-mère paternelle, qui l'avait cachée avec Giles et qui vient d'avoir un malaise cardiaque. Et elle explique ...

"Promenons-nous dans les bois" est l'un de ces romans qu'on a du mal à lâcher avant d'en avoir lu la fin. Rendell s'y montre une fois de plus retorse et, disons le mot, perverse dans la construction de son intrigue et les indices qu'elle donne avec une feinte générosité dès le début à la police autant qu'au lecteur vont les mener, de façon de plus en plus tortueuse, vers une fin surprenante et qui ne décevra pas.

L'un des meilleurs opus de la production de la grande romancière anglaise. A lire absolument si, pour vous, ce n'est déjà fait. ;o)
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