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Critique de Presence


Ce tome constitue la première saison d'une nouvelle histoire. La fin apporte une résolution satisfaisante. Il contient les épisodes 1 à 5, ainsi que l'épisode "Genius: pilot saison", initialement publiés en 2014, écrits par Marc Bernardin & Adam Freeman, dessinés, encrés et mis en couleurs par Afua Richardson.

L'histoire se déroule de nos jours, dans un quartier de Los Angeles (South Central). le récit s'ouvre avec des policiers du LAPD dont un qui reçoit une balle en pleine poitrine. Face à eux, se tient une jeune femme (entre 20-25 ans) appelée Destiny Ajaye. Elle leur demande de prendre leur blessé et d'évacuer cette partie de leur ville. Elle leur annonce qu'elle et son gang ont décidé de faire régner leur propre loi dans ce quartier.

Dans le commissariat correspondant, le capitaine Lou Haroy écoute Reginald Grey lui expliquer sa théorie. Grey est un analyste et il a décelé une volonté qui se dégage de plusieurs signalements isolés au fil des 10 dernières années. Il a baptisé ce cerveau du crime "Suspect zéro". La police se prépare à donner l'assaut pour rétablir l'ordre public. de leur côté, les insurgés sont prêts, ils ont même anticipé plusieurs coups d'avance.

Sur la quatrième de couverture, le lecteur peut lire que Destiny Ajaya est une stratège hors pair, à mettre dans la même classe qu'Hannibal, Gengis Khan ou le général Patton. En feuilletant rapidement les pages, le lecteur constate qu'Afua Richardson a travaillé à l'infographie pour un résultat coloré, avec différents modes de rendu, et une approche visuelle personnelle. Ce tome promet une lecture originale qui sort des sentiers battus.

Le principe de mettre en scène une stratège hors pair constitue une forme de défi vis-à-vis du lecteur, une promesse ludique d'essayer d'anticiper les mouvements de Destiny Ajaye, et donc de se montrer aussi futé que les scénaristes. Il regarde donc Destiny Ajaye s'imposer à la tête d'un gang, puis s'arranger pour unifier les différentes bandes du quartier sous son égide. Les scénaristes réussissent à rendre ce parcours possible, grâce à une stratégie intelligente, et des talents d'oratrice convaincants.

En ce qui concerne la mainmise sur ce quartier, la prise de pouvoir par la force convainc également, ainsi que l'organisation des bandes en une force armée, et l'anticipation des mouvements de la police, puis de la garde nationale. En face la police est bien sûr dépassée, mais elle n'est pas incapable et débile. Les auteurs montrent qu'il s'agit d'un service organisé, préparé à répondre à ce genre de situation. Reginald Grey réussit à se faire entendre, de manière progressive.

Bernardin & Freeman étoffent leur récit avec un portrait de Destiny Ajaye qui sonne juste. Certes ils utilisent un traumatisme d'enfance comme point de départ, mais son parcours dans ce quartier défavorisé s'avère très proche de ce que l'on peut lire ou voir aux informations. Les personnages secondaires ne disposent que de très peu de temps d'exposition (même Reginald Grey), et de personnalités à peine esquissées. Néanmoins les auteurs intègrent plusieurs seconds rôles qui fournissent autant de points de vue supplémentaire : Chavonne la meilleure amie de Destiny, Izzy Cortina une journaliste.

Afua Richardson utilise l'infographie pour réaliser ses planches. Il détoure les formes avec un trait noir, comme de l'encrage classique. Ses personnages sont représentés avec une forme de simplification des traits qui évoque parfois les dessins animés, sans aller jusqu'à une esthétique pour la jeunesse. Ils disposent tous d'une morphologie spécifique, de visages différents, et ils s'habillent avec des vêtements normaux, reflétant leur milieu social (quartier défavorisé et plutôt noir de Los Angeles). Si les scénaristes recourent à des expressions typées "rue", le dessinateur lui n'en rajoute pas dans ce registre.

Richardson change de registre de représentation des décors et arrière-plans en fonction de la séquence. Il peut se servir d'un logiciel de modélisation (de type sketchup) pour dessiner une rue, une façade, le motif en carré d'un carrelage, ou un modèle de voiture, comme il peut dessiner de manière plus traditionnelle. Comme ses collègues dessinateurs de comics, il peut également choisir de concentrer son dessin sur les personnages, et masquer la vacuité de l'arrière-plan par un discret dégradé de couleurs.

Ce mélange de modalité de représentation lui permet de bien faire ressentir au lecteur, que l'action se passe dans un quartier de Los Angeles, à la fois par l'urbanisme, la luminosité, et l'architecture. Par contre quand 3 modalités différentes coexistent sur la même page, le lecteur peut ressentir comme une forme de dissonance. Difficile de passer outre l'artificialité d'une planche comprenant un dallage généré par infographie au tracé parfaitement, 2 cases sans arrière-plan, et une case avec un décor détouré dans le même mode que les personnages.

À condition de s'acclimater à ce mode de dessin parfois un peu patchwork, le lecteur plonge dans ce thriller, avec le plaisir de participer au jeu de l'anticipation, d'essayer de devancer Destiny Ajaye dans sa stratégie. Les scénaristes arrivent à raconter les scènes attendues de manière vivante et enlevée (y compris les premières barricades et les premiers affrontements contre la police), et à insérer des variables aux effets inattendus (comme l'infiltration de la journaliste Izzy Cortina).

Par contre, dès le début, le lecteur se pose la question de ce que peut vraiment espérer Destiny Ajaye, quel est son véritable but. En effet, le contrôle du quartier d'une ville pour imposer sa loi constitue quelque chose de très relatif. Il suffit que le maire décide de couper l'eu ou l'électricité pour que le mouvement de séparation se heurte à un obstacle insurmontable. Aussi dès le départ le lecteur s'interroge sur l'objectif réel de cette stratège. La réponse se trouve bien dans le récit, mais elle s'avère un peu décevante (même si elle reste cohérente avec l'âge de Destiny Ajaye). Cette vision à long terme un peu bancale et l'hétérogénéité de certaines planches coutent une étoile à cette histoire plutôt originale.

Ce tome se termine avec les 11 premières pages de The Tithe Volume 1 qui mettent l'eau à la bouche.
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