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Critique de SophieLesBasBleus


Une île comme unique bouée de sauvetage. Quitter ce continent où se concentrent les dévalorisations les plus dévastatrices, les humiliations et les renoncements qui épuisent l'être.
Après un ultime et puéril acte de rébellion contre le directeur du centre culturel où elle était responsable de la bibliothèque, Inès prend le large. Les coupes budgétaires absurdes, le choix du nivellement culturel, la restructuration imbécile et méprisante d'un lieu de culture et d'échanges, l'ont fait vaciller et sombrer. Comme dans un cocon lumineux elle se blottit au creux de cette île qui garde mémoire de son adolescence.
Entre rumination rageuse et désespérée de ce qu'elle a fui, et réappropriation, pas après pas, jour après jour, de ce qui lui reste, Inès avance insensiblement vers un demain dont elle ignore encore les contours et les couleurs mais qu'elle devine possible même s'il ne lui paraît pas encore abordable. En déplaçant seule un mur de pierres chez le père de son amie Lili, c'est sa vie en cathédrale qu'elle reconstruit. Plus loin. Plus solide.
Une colère incandescente vibre sous les phrases de Raphaëlle Riol pour raconter cette dépossession de soi et le cheminement douloureux mais possible vers la reconquête de sa propre vie. Une révolte tonique face aux traumatismes irrémédiables infligés par ceux pour qui le profit ne peut se mesurer qu'en termes financiers et économiques.
Avec son écriture sensorielle qui capte et traduit aussi finement le moindre frémissement de lumière que l'infime vibration d'une émotion renaissante ou que les pulsions de fureur démunie, l'auteure saisit au plus près, au plus juste, toutes les nuances de la perte ainsi que le mouvement presque imperceptible d'un lent retour au monde. Ce n'est pas un "travail" sur soi qu'elle nous raconte, mais le rejaillissement de la vie par la succession des jours et des évènements d'apparence anodine dont son personnage s'empare sans en avoir toujours conscience et qui lui permettent de tracer un nouveau chemin, à la fois vers le continent et hors le continent. Et c'est envoûtant.
C'est un roman magnétique, qui unit souverainement couleurs et souffrances, lumière et abandons, prostration et ravissement, lucidité et rêverie, minéral et musical. C'est un roman qui déborde d'une énergie tenace. Par le biais de deux superbes personnages féminins, "Le Continent" nous suggère que cette île-matrice n'a pas besoin de situation géographique car elle est ancrée au plus insondable de chaque être humain. C'est probablement là, en ce lieu qui nous est spécifique mais inexploré, que nous apprenons à résister et à rebâtir, sans résignation, sans compromis, sans oubli.

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