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Critique de Rodin_Marcel


Rivière Thifaine – "Carnets de thèse" – Seuil, 2015 (ISBN 978-2-02-112594-8)
– format 24x17cm, 180p.

Tout est réussi dans cette bande dessinée : le graphisme, les couleurs, la mise en page.
Mais surtout, sur le fond, tout ce qui y est mis en scène et dialogué est – malheureusement – profondément exact dans au moins quatre-vingt dix pour cent des parcours des thésardes (et rarissimes thésards) en sciences dites humaines.

Le parcours administratif, la posture du "directeur de thèse" (vulgaire bellâtre sur le retour), le calvaire financier de la thésarde, la ruine sentimentale et la débâcle personnelle : tout cela ne serait encore que des défauts véniels si le résultat en valait la chandelle, ce qui n'est pratiquement jamais le cas !
Après cinq à dix années de labeur, passées à creuser un sujet pratiquement sans aucun intérêt (les désormais célèbres "chevaliers de l'an mil au lac de Galabru" sont hélas le lot commun) avec des moyens techniques et financiers dérisoires, la thésarde (celle qui a "soutenu" devant un jury dont il y aurait également tant à dire) cherche désespérément un emploi... qui n'existe pas.

Et si – comme c'est le cas le plus fréquent et de loin – elle abandonne en cours de route, elle sera encore bien contente – dans un profond écoeurement – d'accepter un emploi sous-qualifié dans un domaine vaguement apparenté à ses recherches (tourisme de pacotille), voire pas du tout (combien de non-thésardes en sciences humaines dans les secrétariats universitaires ?).

Il suffit de comparer cette absurdité, ce mépris abyssale des jeunes talents avec ce qui se fait à l'étranger pour comprendre combien l'organisation des thèses en sciences humaines (et sociales) devrait être revu de fond en comble.
Il conviendrait en tout premier lieu d'imposer ce qui se fait couramment dans le domaine des sciences dites exactes (et que montre bien d'ailleurs cette BD) :
1- thèse (avec sujet de thèse adapté) à soutenir en quatre ans maximum,
2- refus de tout dépôt de thèse ne bénéficiant d'aucun financement autre que personnel,
3- limitation du nombre de thèses patronnées par un(e) même universitaire (certain-e en "dirigeait" jusque soixante dans une université parisienne bien connue, là où les disciplines scientifiques n'admettent que cinq à dix directions de thèse au grand maximum pour un même directeur de thèse),
4- sujet de thèse lié à des possibilités réelles de recherche (les fabuleuses thèses d'ethnologie entamées par des gens n'ayant pas les moyens de se rendre sur place, genre Océanie),
5- évaluation réelle de l'avancée du travail au bout de deux ans maximum.

Si l'on ne veut pas appliquer ces mesures drastiques, alors il faut revenir à l'ancien parcours, qui distinguait la thèse dite "de troisième cycle" (qui correspondait à ce que l'on peut attendre d'un jeune talent débutant en recherche) de la gigantesque thèse d'État qui représentait l'aboutissement d'une vie de labeur : ce mode de fonctionnement engendra en son temps des travaux remarquables...

Autre vaste problème : les sciences humaines et sociales n'étant plus guère – en France – qu'un terrain de querelles idéologiques picrocholines, voire carrément de simple modes passagères, il conviendrait de leur redonner un cadre crédible, ce qui semble hélas inenvisageable.

Par simple mesure prophylactique élémentaire, cette bande dessinée doit impérativement être offerte à toute personne manifestant la moindre envie d'emprunter cette voie sans issue.

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