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Critique de Nastie92


Ah, que j'aime le Japon !
J'aime sa civilisation raffinée et ses traditions, j'aime le respect qui s'y manifeste et le côté épuré de certains arts tel l'ikebana.
J'aime ce pays et j'aime ses habitants.
Mais comme partout ailleurs dans le monde, l'histoire du Japon comporte quelques zones sombres. Des heures moins glorieuses.
C'est de l'une d'elles que Nicole Roland a décidé de nous parler, et elle a choisi de le faire à la japonaise : en le lisant, on pourrait croire que Kosaburo, 1945 est l'oeuvre d'un écrivain du pays du soleil levant. Nicole Roland a merveilleusement su endosser le kimono.
Elle nous parle des kamikazes, ces pilotes japonais qui effectuaient des missions-suicides pendant la seconde guerre mondiale.
Elle nous fait vivre leur entraînement et leur quotidien, jusqu'à l'ultime vol : celui qui les fera s'écraser volontairement contre une cible ennemie.
Peut-on imaginer ce qui se passait dans la tête de ces jeunes aviateurs regroupés dans une même base, partageant tout − repas, heures de vol, heures de repos − voyant au fur et à mesure partir les appelés au dernier décollage, tout en attendant leur tour ?
Terrible situation ! Inhumaine. Psychologiquement insoutenable.
"Lorsque nous serions prêts, nous sortirions pour attaquer. Jamais de parachute, jamais d'essence pour le retour. C'était un échec mortel d'être fait prisonnier vivant : il n'existait pas de déshonneur plus grand.
Plus tard, j'apprendrais que les rescapés étaient envoyés dans des camps de rééducation où ils subissaient les pires humiliations. Rares étaient ceux qui ne se suicidaient pas pour mettre fin à ce nouveau calvaire."
Nicole Rolland nous raconte ces vies et réussit le tour de force de le faire avec poésie.
Pas n'importe quelle poésie : une poésie typiquement japonaise.
Son texte est fin et subtil, tout en nuances.
Cette forme délicieuse contraste d'autant plus fortement avec le fond abominable et c'est pour moi la plus grande réussite de ce roman. La beauté et l'horreur entremêlées.
Un roman magnifique, terriblement émouvant, jusqu'à une conclusion qui m'a profondément remuée.
Nicole Roland indique en fin d'ouvrage qu'à travers cette histoire de kamikazes, elle a voulu "rendre hommage à leur jeunesse fracassée".
Vous avez parfaitement réussi, madame, et d'une bien belle façon.

Kosaburo, 1945 a le mérite de nous faire réfléchir, au-delà des kamikazes, sur l'endoctrinement. Car ces malheureux qui se sacrifiaient pour l'honneur de leur pays et pour l'empereur avaient bel et bien été endoctrinés.
Qui peut croire qu'un jeune homme en parfaite santé et qui a toute la vie devant lui choisisse délibérément de s'écraser avec son avion ? D'autant plus quand la guerre est perdue, ou du moins quand les chefs savent qu'elle l'est mais envoient quand même des pilotes au suicide inutile.
Partout et de tout temps, ce sont toujours les mêmes méthodes qui sont utilisées pour fanatiser et manipuler : on vous promet la gloire ou le paradis ou la vie éternelle ou que sais-je encore, puis on vous place dans des conditions qui font que vous ne pouvez plus reculer.
À travers les kamikazes du roman, on ne peut s'empêcher de penser aux terroristes du 11 septembre 2001, bien sûr, mais aussi à tant d'autres venus après eux.
Tant de vies gâchées. Tant d'horreurs infligées.

Ce roman m'a éblouie et m'a émue au plus haut point.
C'est un texte d'une rare intensité. Une lecture qui laisse des traces.
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