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Critique de MarcelineBodier


J'ai été complètement scotchée par Boomerang, que j'ai reçu grâce au hasard d'un concours organisé sur Instagram. C'est un roman qui se dévore très vite, qui laisse totalement sonné en raison de la concentration d'événements dramatiques qu'il contient, mais qui fait exactement ce que j'attends d'un roman, parce que c'est aussi ce que j'attends de la vie : donner du sens.

Le quadragénaire qu'est Antoine, le personnage principal, n'est pas bien dans sa vie. Il a ses raisons, tout comme nous avons les nôtres : une vie jalonnée de drames, mais aussi de bonheurs, de retournements. Un mariage, un divorce, une vie qui tâtonne... une vie qui s'est routinisée et dont beaucoup de choses se sont figées, aussi. Une décision, un accident vont le faire dévier de sa route ; les événements s'enchaînent alors et l'amènent à prendre possession de son passé et en même temps, de sa vie.

Banal ? Déjà vu ? Même pas. Parce que l'auteure brise la célèbre règle de l'unité d'action, celle-là même dont on n'entend plus jamais parler une fois qu'on a passé le bac, mais dont on attend tous intuitivement que la fiction la respecte : celle qui dit que tout ce qui est raconté est en rapport avec le fil principal. En effet, elle a ajouté au beau milieu de son histoire un décès dramatique, qui n'est pas dans l'intrigue principale, mais est au contraire totalement contingent. Elle aurait pu ménager ses lecteurs en ne le leur faisant pas subir, et l'essentiel du roman aurait été le même. Mais c'est justement lui qui ajoute au livre une dimension qui, de passionnant, le fait passer à inoubliable (et, à mon sens, meilleur encore que Elle s'appelait Sarah). Il surgit de manière foudroyante, il n'a aucun sens, tout comme dans nos vies peuvent surgir des drames foudroyants et imprévisibles, qui n'ont aucun sens : car il n'y a pas d'unité d'action dans la vraie vie... Et la possibilité de continuer dépend alors de la manière dont nous arrivons, ou pas, à les penser, à leur donner un sens après-coup. Or, le drame qui surgit au milieu de Boomerang entre étrangement en écho avec l'autre, celui qui fournit le fil conducteur du livre ; il décentre tous les autres drames et d'absurde, il devient un élément clé du processus par lequel un nouveau sens peut être construit.

Ah, quel livre, mais quel livre... Il m'a aussi renvoyée à l'idée d'identité narrative (celle de Ricoeur), qui m'a toujours fascinée. Nous ne sommes pas juste faits de traits de caractère immuables qui, mis bout à bout, épuiseraient notre identité et suffiraient à dire qui nous sommes. Nous sommes cela, mais aussi, ce que nous racontons sur ce que nous avons vécu, ce que nous nous racontons à nous-même. Antoine, le personnage principal de Boomerang, est lâche, légèrement déprimé, père dépassé, séducteur qui espère l'amour. Mais surtout, c'est un homme qui a perdu sa mère trop tôt et qui n'a jamais pu le penser, donc qui ne peut pas se penser. La décision, qu'il pense irréfléchie, de retourner avec sa soeur sur les lieux de leur dernier été avec leur mère rompt tout à coup avec des années de silence, des années de "secret kept" (le titre anglais). Il renoue alors avec un fil, au sens littéral, un fil coupé 34 ans auparavant. La suite est fascinante et je l'ai dévorée d'une traite sans égard pour les larmes, les bouleversements intimes et les échos douloureux qu'il a réveillés. C'est un livre magnifique : il va maintenant enrichir mon histoire personnelle, tout comme il pourra enrichir la vôtre.
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