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Critique de cats26


Frenenquer (quel prénom!) a toujours rêvé d'avoir des ailes, elle qui vit dans les trois pièces de sa maison ("ses trois boîtes" comme elle les nomme) car elle quitte sa maison pour le lycée, en voiture avec son père ou parfois sa mère, puis y revient.
Elle vit dans une ville entourée par le désert, dans un monde où les filles, les femmes sont couvertes quand elles sortent, sous la surveillance des parents, des professeurs, des autres élèves ou d'elles-mêmes (leur éducation étant le plus sûr de ces moyens de surveillance. Frénenquer sent le doigt de son père dans son dos qui la tient ou la retient dans tous ses actes). La jeune protagoniste a 17 ans mais existe, pense, se comporte comme le veut son père. Elle se pense la créature de son père, qui a tout pouvoir.
Or, les ailes dont elle rêve prennent la forme d'une Libre Créature, être métamorphe qui n'appartient à aucune espèce définie, n'obéit à aucune loi et peut prendre la forme qui lui plaît. L'héroïne a secouru cet être sans nom auquel elle donne un nom et un repère.
En effet, Sangris (c'est ainsi qu'elle le nomme) a vécu partout et n'appartient pourtant à aucune partie du monde, ni à aucun peuple, ni famille et ressemble ainsi à celle qu'il va surnommer Nenner : elle a vécu dans beaucoup de pays, déménageant sans cesse selon les déplacements professionnels de son père avant de se retrouver dans l'Oasis. Sangris pour la remercier va l'emmener voler toutes les nuits, visiter toutes sortes de lieux qu'ils ont tous les deux connus. Nenner prend ainsi goût à la liberté et trouve la force de se rebeller contre l'autorité de son père.
L'intrigue peut se résumer plutôt facilement mais c'est la façon dont elle est racontée qui est magistrale! La plume est fluide et déploie à travers l'histoire de Nenner et Sangris un hymne à la liberté, un cri de révolte face à la condition féminine dans certains pays du monde mais elle file aussi la métaphore du passage à l'âge adulte, où les enfants, les filles se libèrent de la tutelle de leurs parents, des rêves que ceux-ci ont construit autour d'eux pour devenir des adultes, des femmes (il est évidemment révélateur que le "libérateur" de la jeune héroïne soit un être de sexe masculin, même métamorphe).
Sous ses allures de récit fantastique, l'auteur dénonce donc le joug masculin, patriarcal imposé aux jeunes filles dans certaines cultures. Lorsque dans un sursaut d'indépendance, la jeune fille décide de se promener seule, elle reçoit quolibets et propositions indécentes de la part des hommes qu'elle rencontre, car là où elle est, les filles ne sortent pas seules dans la rue.
Le pouvoir paternel est omniprésent dans toute son éducation : liste d'attitudes à tenir ou à ne pas tenir, répétition mécanique de gestes jusqu'à la satisfaction paternelle (fermer une porte sans la claquer, par exemple), jusqu'à l'absurde ou la violence. Ce récit contient des passages que j'ai trouvés d'une violence inouïe! Une violence non pas physique car son père ne la bat pas mais psychologique : menaces, harcèlement, contrainte et il va même jusqu'à écrabouiller dans son poing un oisillon que sa fille voulait secourir!
Dans ce cadre domestique quotidien se jouent des confrontations d'une brutalité effrayante entre le père et la fille, sous le regard fuyant de la mère, soumise à son mari.La seule voie d'évasion de l'héroïne passe par les livres qui s'entassent dans sa chambre, tels des murs, qui la protègent de l'extérieur, des sentiments, de l'amour. Cet amour que Sangris va éprouver pour elle et qu'il veut lui avouer, elle l'élude, le noie de paroles, le repousse. Contrairement à d'autres romances que j'ai lues, leur amour ne se déclare pas à la lecture d'un chapitre ou deux, ni d'une page ou deux, il se construit au fil des pages, des escapades nocturnes, des rebuffades de Frénenquer qui craint l'amour du métamorphe comme elle craint ce que son père présente comme de l'amour. Pour elle l'amour contraint, l'amour détruit. Il lui faudra prendre conscience qu'il peut être une arme pour se libérer de son père et aussi prendre conscience de l'humanité de son père. Il n'est pas un dieu tout puissant mais tout simplement un homme.
C'est en bref, un livre magnifique, très beau, écrit par une jeune auteur de 17 ans que je vais suivre de près.

A partir de 16 ans
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