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Critique de cecileo


Le 25 octobre 2003, le fils de Michel Rostian décède d'une méningite fulgurante à l'âge de 21 ans. Tout au long de ces 170 pages, sept ans plus tard, Michel Rostian nous fait le récit des derniers jours de son fils, mais aussi les jours douloureux qui suivent sa disparition.

Que le fils disparu, surnommé Lion, soit le narrateur de ce récit donne une force toute particulière à ce roman qui a obtenu le prix Goncourt du premier roman 2011. Pour ma part, je l'ai ressenti comme un signal de la présence de ce fils disparu, mais pourtant toujours là.

Les parents sont dans la douleur, mais le ton donné est celui de l'ironie affectueuse du fils : « Arrête de dire des conneries papa ». Car au fil des jours qui entourent ce drame, le père cherche inexorablement les signes d'une mort annoncée par un renoncement quelconque à la vie de la part du fils, fort de la conviction que la mort ne survient que lorsqu'on baisse la garde. Bingo ! Son fils avait pris rendez-vous avec une psy de la médecine préventive universitaire.

Page 22 : « Tout de même, les doutes envahissent papa. Peut-être étais-je en analyse depuis longtemps, et je n'en avais rien dit, surtout pas à lui. Peut-être étais-je à un moment difficile du chemin, et il n'y avait vu que du flou. Papa cerné par mille doutes, mille remords. Il aurait dû…Ponctuation permanente du deuil, l'infâme culpabilité fait son boulot. C'est ce qu'on appelle les regrets éternels. »

Pourtant, Lion ironise et lui met sous le nez toutes les preuves de son désir de vie comme un abonnement presse qui arrive le lendemain de la mort, le concert de rock prévu dans deux jours,…

Et puis, ce type de narration permet le récit distancé de ce qui pourrait se révéler brut de décoffrage de la bouche des parents : car comment ne pas tomber dans le larmoyant en racontant le rangement de l'appartement du défunt, ou dans le morbide en racontant le choix d'un cercueil ? Ces moments se voilent alors d'une tendresse et d'un réalisme pourtant inouï , si bien qu'à la lecture de ces toutes premières pages, encore imprégnée moi-même du deuil d'un être cher, je me suis demandée si je pourrais continuer cette lecture :

Page 10 : « le onzième jour après ma mort, Papa est allé porter ma couette à la teinturerie. Monter la rue du Couédic, les bras chargés de ma literie, le nez dedans. Il se dit qu'il renifle mon odeur. En fait, ça pue, je ne les avais jamais fait laver ces draps ni cette couette. Ça ne le choque plus. Au contraire : subsiste encore quelque chose de moi dans les replis blancs qu'il porte à la teinturerie comme on porterait le saint sacrement. Papa pleure le nez dans le coton. Il profite. Il sniffe encore un coup la couette, et il pousse enfin la porte du magasin. Papa ne peut plus traîner. Condoléances, etc. le teinturier recondoléances, etc. débarrasse papa de la couette. Papa aurait voulu que ça dure, une file d'attente, une livraison, une tempête, juste que ça dure le temps de respirer encore un peu plus des bribes de mon odeur. Papa se dépouille, il perd, il perd. »

Car Michel Rostian choisit de ne rien nous cacher, depuis la découverte alarmante des tâches violacées sur le corps du fils quelques heures avant la mort, en passant par les clichés pris à la morgue comme une furieuse envie de ne rien effacer, jet enfin usqu'au choix brutal de l'incinération imposée par la mère et la gestion logistique des cendres.

Par dessus tout, Michel Rostian choisit d'écrire une ode à la vie. Et si fou de désespoir , il exigeait de l'amie de son fils qu'elle crie vaille que vaille « Vive le soleil, vive le soleil quand même ! », l'apaisement non pas de la douleur, mais l'apaisement fourni par la vie, lui permet aujourd'hui de dire que oui, on peut vivre avec çà.

Un livre qui porte un écho sans nul doute pour la plupart de ses lecteurs tant la conviction est forte dans nos sociétés que rien n'est pire que la perte d'un enfant. Mais aussi un écho particulier pour moi car il traite du deuil et du chemin long, incontournable ,pour parvenir à la sérénité malgré les fameux « éternels regrets ». Je suis persuadée également que la puissance de ce livre tient au fait qu'il ait été écrit sept ans « après ».
Lien : http://lectureamoi.blogspot...
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