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Critique de Ana_Kronik


Petit essai historique sur les sources de la cyberculture, ce livre est la transposition d'un exposé écrit pour une conférence qui s'est tenue en... 1985. On y parle déjà d'intelligence artificielle, de l'arrivée prochaine de créatures cybernétiques, c'est à dire de machines capables de se contrôler elles-mêmes, et de penser.

Théodore Roszak essaie d'expliquer comment la contre-culture des années soixante et soixante-dix, celle de Woodstock, des slogans "Peace and love", des expériences LSD et autres manifs anti-guerre du Vietnam, a pu mener les Etats-Unis - et dans leur sillage, tout le reste de la planète - à une civilisation de plus en plus dominée par la technique.

Il est tristement ironique de constater que ceux-là même qui prônaient la vie simple, le retour à la terre, ceux que Roszak a baptisé "les réversionistes" étaient en même temps fascinés par les débuts de l'informatique et des technologies qu'elle a permis de développer. Quoi de plus contradictoire en effet que l'artisanat, le "do it yourself", des communautés hippies, avec la lourde infrastructure nécessaire pour produire les puces, ce coeur des micro-ordinateurs sans lesquels rien de tout cela n'aurait pu se concevoir? L'aura qui a entouré les fondateurs d'Apple, les deux Steve (Jobs et Wozniak) n'éclaire pas tout, et en particulier le coup de pouce déterminant que leur a donné Hewlett-Packard.

Comment passe t'on de la contre-culture à une société de plus en plus dominée par les machines, l'informatique, l'électronique? La thèse de Roszak consiste à démontrer qu'il n'y avait pas de contradiction.

Au départ, le micro-ordinateur est vu comme la machine qui va mettre le savoir à la portée de tous. Les hippies et les autres tenants de la contre-culture se méfient de l'État (syndrome toujours très présent dans l'idéologie américaine); ils pensent que l'Etat cache des choses, ou ment. Il s'agit de mettre la vérité à la portée de tous. En deux mots, d'éveiller les consciences.

Car "Satori" est un terme japonais qui signifie "compréhension", mais qui dans le cadre du bouddhisme, désigne l'état d'éveil parfait. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au terme "woke", qui lui aussi signifie "éveillé". Quelle ironie sinistre, de voir que l'explosion des cyber-technologies nous a entraîné dans un déluge d'informations, qui ne nous a pas rendu beaucoup plus éveillés qu'avant, et pas vraiment zen! Mais bon, je ferme cette parenthèse...

Par ailleurs, sous l'influence du bouddhisme, il est assez logique d'imaginer un futur où l'esprit - l'essence de l'être humain - se débarrasse enfin de son enveloppe charnelle. Et parvienne enfin à ce vieux rêve toxique: l'immortalité...

Quoi de plus naturel donc que de viser à mettre l'intelligence et la connaissance dans une machine intelligente? Une machine qui, entre autres, ne connaîtrait pas l'ennui, et serait donc susceptible de s'endormir pendant les quelques millions d'années nécessaires pour aller trouver dans l'univers d'autres planètes accueillantes?

Comme l'analyse en postface le philosophe Aurélien Berlan, cette curieuse bouillie techno-primitiviste se retrouve encore aujourd'hui chez certains hackers anti-capitalistes, qui prônent à la fois une critique aiguë de la civilisation, le retour à des formes de vie nomades, vegan, ou tribales, et l'usage de technologies high-tech comme l'ordinateur, outil jugé indispensable au renversement du système, alors qu'il en est le pur produit... Une réflexion toujours actuelle, sur l'évolution de nos sociétés hyper-industrialisées.
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