AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Dandine


Plonge dans un pave, je le coupe par de courts livres. Cette fois c'est une relecture. J'avais deja poste un billet sur ce petit livre. J'essaie un deuxieme, different quant aux mots, mais surement conforme a l'impression que m'avait laisse ma premiere lecture, une impression que je crois n'avoir pas change.


Sous les ponts de la Seine campe Andeas Kartak. C'est la que l'accoste un monsieur bien habille et lui propose 200 francs pour sortir momentanement de l'indigence, a condition qu'il les rende un jour a sainte Therese de Lisieux, c.a.d. a sa statuette sise en l'eglise de Ste. Marie des Batignolles. A partir de la nous assistons aux nombreux essais de l'honnete clochard de rendre cet argent, essais contraries toujours par des rencontres qui l'incitent a depenser et surtout a boire, jusqu'au denouement/reussite, attendu et surprenant a la fois, par son cote prodigieux, romanesque, miraculeux.


La legende du saint buveur est un texte tres bref, un conte, une parabole. C'est la chronique d'une defaite annoncee, d'une descente aux abimes de l'addiction. Notre clochard, entraine par les circonstances, succombe chaque fois a la tentation malgre son pur et scrupuleux desir de tenir sa promesse. Il faudra un miracle – un miracle laic, dirais-je – pour qu'il la tienne.


C'est la derniere oeuvre que Roth ait ecrit, et elle n'a ete publiee qu'apres sa mort. On ne peut s'empecher de faire le parallelisme avec sa proper vie, du moins les dernieres annees de sa vie. Andreas Kartak, comme Roth, vient des confins de l'empire Austro-Hongrois, et vivote – ou malvivote – a Paris, de bouteille en bouteille. L'alcool les tuera tous les deux. Tous les deux essaieront sans arret de s'approcher de l'Eglise, sans succes. Car meme après sa conversion, Roth sent qu'en ces temps ou Hitler est au faite de son pouvoir, l'oecumenisme tant reve de l'Eglise est plus que jamais en question.

Le parcours d'Andreas est une descente vers l'abime. Je ne sais si voulue, surement pas programmee, mais certainement preferee a tout sauvetage exterieur, la salvation etant justement dans l'abime. A un moment Andreas entre dans un cinema, ou l'affiche annonce un heros qui va se perdre en une aventure exotique. Andreas s'identifie a l'homme qui avance, brule par le soleil, dans le desert, mais quand arrive une caravane qui le sauve et le ramene a la civilisation, il perd tout interet et sort de la salle. le retour a la "civilisation" est justement la perdition. Pour Andreas comme pour Roth, qui assiste, impuissant et triste, a la barbarisation de sa civilisation, qui se degrade et se perd dans les meandres nauseabonds des fascismes, nazismes et communismes totalitaires. Pour Andreas comme pour Roth sombrer dans des abimes d'alcool est preferable.


La legende du saint buveur traine un petit air d'irrealite, malgre le realisme des decors physiques, des lieux. Quelqu'un a ecrit que ce livre exige du lecteur "la suspension de l'incredulite", vu le nombre d'apparitions "miraculeuses" et de coincidences plus qu'improbables que Roth y introduit. En fait le style de Roth, a la limite de la simplicite, permet cela et sert magnifiquement la fuite en avant, vers l'autodestruction, qu'il decrit, jusqu'a la phrase finale: "Gebe Gott uns allen, uns Trinkern, einen so leichten und shönen Tod." Et dans mon essai de traduction: "Dieu donne a nous tous, buveurs, une si legere et belle mort."


Un conte. Une parabole? Un texte tres simple, teinte de naivete. Un texte tres fort.Une lecture magique.
Commenter  J’apprécie          693



Ont apprécié cette critique (69)voir plus




{* *}