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Critique de AMR_La_Pirate


Merci à Babelio pour cette opération Masse Critique et aux Éditions de l'Atelier pour l'envoi de cet essai d'Albert Rouet, Croire, mais en quoi ?
Quand j'avais postulé pour recevoir ce livre, c'était surtout son sous-titre qui m'avait interpellée : « quand Dieu ne dit plus rien »… Je me doutais bien, l'auteur étant archevêque, que la parole divine serait mise à l'honneur et j'étais curieuse de lire son interprétation en cette période où l'Église est mise à mal, notamment à cause de son silence sur les cas de pédophilie ; en même temps, je me sentais plus proche d'une autre assertion du verbe « dire » au sens où Dieu ne nous dirait plus rien, que nous ne serions plus instinctivement portés à le croire, quoi qu'il dise ou plutôt quoique que nous en dise l'Église…

J'ai d'abord été surprise par l'approche proposée par l'auteur qui a organisé sa réflexion autour de la sécularisation… Alors que la laïcité est admise et générale, ce livre va démontrer que la distinction entre religion et société est la cause fondamentale de la crise religieuse actuelle, de notre indifférence manifeste ou encore des exaltations identitaires.
Puis, au fur et à mesure de l'avancée de ma lecture, j'ai relevé des points qui ont pu éveiller un écho dans mon parcours personnel, mes propres interrogations et mon éloignement progressif et inéluctable de la pratique religieuse. J'y ai presque trouvé mot pour mot les raisons qui font je préfère être une bonne mécréante plutôt qu'une mauvaise chrétienne : « d'un côté, [la sécularisation] se montre impitoyable pour certaines déviances […]. Mais d'un autre côté, elle se montre extrêmement tolérante pour d'autres abus » ; sauf que dans cette phrase, je mettrais l'Église à la place de la sécularisation… J'ai davantage foi en certaines valeurs d'altruisme et d'honnêteté que dans la religion.
J'ai donc décidé d'aborder ce livre par mes propres expériences et ressentis : le côté conservateur et établi des milieux catholiques regroupés dans des argumentaires déplorables (je pense aux slogans de la « manif pour tous »), un type de spirituel éloigné des engagements évangéliques et déconnecté des réalités, le fonctionnement féodal des paroisses de plus en plus étendues, le rôle et la place des prêtres dans la société, la médiocre qualité de la pratique (personnellement, je trouve par exemple que nombre de mariages religieux relèvent plus du spectacle que d'un réel engagement…), le développements des spiritualités incroyantes ou athées, la séparation du spirituel et du matériel…

Albert Rouet revient sur le sens du sacré qui a perdu son essence divine et religieuse, mutant vers des lieux et des personnes profanes aujourd'hui sacralisés par les médias. Il cite l'engouement pour les figures modernes du bon samaritain à l'instar de Coluche et des Restos du coeur par exemple, reconnaissant une certaine spiritualité dans l'exercice de la générosité… Les signes extérieurs de la religion se limitent à la pratique de la messe dominicale, la morale privée et quelques évènements extraordinaires concernant les dévotions populaires. Il pose de bonnes questions, bien terre-à-terre, à défaut de donner des réponses : « à quoi sert Dieu ? », « à quoi sert-il de croire en lui ? ».
Beaucoup de ses démonstrations sont binaires, opposant deux termes proches mais différents, qui se situent toujours à des niveaux séparés. J'ai personnellement aimé son approche spirituelle par le biais de la plénitude et non du remplissage quand il se demande comment parler de Dieu à notre époque de « l'agenda noirci ». Je me suis interrogée sur le détournement des valeurs religieuses par des partis politiques d'extrême droite prônant des doctrines exclusives. J'étais tout à fait d'accord avec le fait de s'appliquer et s'impliquer au quotidien dans les réalités minimes de la vie en faisant la distinction entre frustration et sacrifice sans pour autant s'embarrasser d'une nomenclature religieuse car je préfère de loin le rapport intime et individuel avec Dieu. Il propose, alors que tout doit servir à quelque chose, d'opposer l'utile à l'utilitaire, le nécessaire et le gratuit…

L'exposé d'Albert Rouet est assez clair, bien écrit, documenté : une courte première partie historique, puis une seconde sur les différentes possibilités offertes à la foi au sein de la sécularisation sous forme de « regards croisés ».
L'écriture est claire, aérée. Il y a de la part de l'auteur une réelle volonté de vulgariser son propos ; c'est didactique sans être pédant. Naturellement, Albert Rouet cite beaucoup de passages de la Bible pour étayer son propos mais pas seulement et c'est un point positif ; je salue aussi la qualité des notes de bas de pages.
Naturellement, le discours d'Albert Rouet est très orienté ; il est prêtre depuis 1963, évêque depuis 1986, puis archevêque à partir de 1993 et très à l'aise dans les nébulosités de l'Église. Son livre s'adresse à des lecteurs avertis et déjà convaincus ; je ne suis pas certaine que son propos parvienne à récupérer les brebis égarées.
Il conclut évidemment sur une espérance, en forme d'envoi, comme à la fin d'une messe : après nous avoir longuement expliqué que la crise de foi est causée par la sécularisation, cette dernière nous est présentée comme une chance à saisir afin de remettre l'humain au centre de l'Église.
Ce n'est cependant pas une lecture facile et, ne perdant jamais de vue que j'avais une chronique à écrire, j'ai lu ce livre crayon en main et il m'a fallu une vingtaine de jours et de la persévérance pour en venir à bout.

En conclusion, je dirai que, compte tenu du contexte actuel autour du silence de l'Église sur les crimes de pédophilie en son sein, ce livre ne sort pas au meilleur moment pour trouver ses lecteurs hors du milieu ecclésiastique.
Voilà donc un essai à mettre sans doute entre les mains des prêtres et des laïques chargés de mission dans les paroisses, un public averti et bien disposé.
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