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Critique de Pascalmasi


J'ai lu ces Rêveries juste après avoir lu le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Eh bien m'en a pris car cet ultime opus livre sans doute l'explication fondamentale de la « matrice morale et politique » que fut le deuxième Discours.

Au fil des pages et des rêveries – il y en a dix au total -, finit par apparaître, parfois très clairement, parfois en filigrane, deux traits de caractère puissants et peut-être inconscients de l'ami Jean-Jacques :

1. Une paranoïa consommée : ses contemporains sont des ennemis qui lui en veulent, à lui personnellement, partout et tout le temps.
2. Une détestation franche et massive du genre humain dans lequel il vit.

C'est la conjugaison de ce double biais cognitif qui guide la plume de Rousseau dans ces ultimes Rêveries. C'est elle encore qui l'a amené 20 ans plus tôt à écrire le Discours et à imaginer un genre humain déchu, puis perdu, le monde du « Bon sauvage ». Dans son esprit, cet homme « Bon » a été éliminé de la surface de la Terre par « l'homme civilisé ». C'est cette faute originelle qui à ses yeux rend ses contemporains infréquentables et justifie pleinement sa détestation et son retrait du monde.

Ce sont ces biais, il n'est peut-être pas interdit de parler de pathologies, qui l'amèneront à penser que la suppression du péché originel commis par l'homme civilisé en inventant la propriété pourra rétablir le Paradis perdu.

Cette anthropologie de Rousseau, si présente dans les Rêveries, dresse en fait un portrait eschatologique de l'homme : il fut bon, mais il fut perverti en créant la propriété et il fallait qu'il fût puni pour sa faute…

Toute ressemblance avec un autre récit fondateur ne serait que pure coïncidence.

Faute de pouvoir changer le monde, parvenu au grand âge, la rêverie solitaire est sa solution à lui pour recréer l'homme Bon, loin de ses contemporains. JJR refuse, encore et toujours, c'est-à-dire jusqu'au bout de sa vie – sa dernière rêverie sera écrite deux jours avant sa mort – que les faits puissent être autres, que l'homme puisse être bon Et mauvais. D'ailleurs, lui sait de quel côté il se trouve : et se considère particulièrement bon !
C'est d'ailleurs le trait marquant de ces écrits de fin de vie : un narcissisme achevé. Rousseau parle de lui, de lui et encore de lui. Et lorsqu'il parle des autres, on y trouve tous les persécuteurs qui le haïssent et qui complotent et quelques paysans du lieu, derniers vestiges vivants du Bon sauvage tant regretté.

Ce qui fait de ce livre un récit parfois touchant, d'un intérêt limité et parfaitement narcissique. A ne lire que dans la perspective d'une compréhension historique de sa pensée.

PS : On apprend dans une note de bas de page que Rousseau a abandonné ses cinq enfants en les plaçant à l'hôpital des Enfants-Trouvés…
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