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Critique de Rachelkaposi



Romilda, de Bénédicte Rousset, est un « roman policier » qui se démarque d'emblée de la catégorie des polars. En effet, si tout commence de façon plutôt « classique », le livre va nous entraîner dans des voies totalement inhabituelles et déroutantes.
L'intrigue repose tout d'abord sur un assassinat, celui de la petite Rosa, le jour où les Barloti, viticulteurs corses, s'apprêtaient à célébrer le mariage de leur fille à Piolenc dans le Vaucluse. L'enquête n'ayant pu aboutir, le père Barloti promet qu'il y aura vengeance pour laver l'honneur de la famille. Mission dont héritera Ange Barloti, son descendant.
Parallèlement, l'auteur nous conte l'histoire de Romilda, une traductrice littéraire qui fait la découverte dans la cave de la maison parentale d'un paquet de lettres anciennes. En proie à une profonde déception amoureuse, elle décide de répondre… un siècle plus tard, aux lettres que Félix, soldat mobilisé, avait envoyées en 1914 à sa fiancée.
Ces deux histoires paraissent si éloignées l'une de l'autre qu'on pourrait se demander comment l'auteur a pu les réunir dans un seul et même livre, et réussir ce grand écart entre une intrigue policière et une intrigue sentimentale, un désir de vengeance et un amour idéalisé.
Peut-être la réponse à cette question se trouve-t-elle d'emblée dans la couverture du roman ?
En effet, tout comme la fillette qui y est représentée, ruban aux cheveux, rose rouge dans les bras, Bénédicte Rousset nous fait basculer, tant dans l'intrigue policière que dans la romance amoureuse, dans une temporalité floue, où passé et présent inter réagissent et où le présent ne peut se lire qu'à la faveur du passé. L'auteur s'appuie sur les vertus de la communication inter-générationnelle ainsi que sur la nécessité de ne pas perdre de vue nos liens ancestraux. Car « qui sommes-nous, se demande-t-elle, sans mémoire, collective ou individuelle ? »
Pourtant, comment faut-il comprendre ce désir de basculement et d'enfermement dans le passé ? le présent serait-il à ce point insatisfaisant ? Les personnages seraient-ils malades de leurs excès ? Excès de vengeance, excès d'amour ?
L'auteur saura maintenir le suspens jusqu'aux dernières pages du roman.
Mais un autre thème, celui de la passion, paraît également essentiel dans la mesure où il permet aussi de lier les deux « intrigues » du livre. L'auteur n'écrit-elle pas « Toute vie qui ne suit pas un chemin passionné est une imposture » ?
L'honneur, la vengeance, le crime, l'amour total, le don absolu, sont des passions qu'il est possible d'opposer à la lâcheté, la peur, l'insatisfaction, l'inconstance.
Mais l'excès de passion, l'excès de nostalgie, conduisent à la mélancolie. Là se trouve sans doute la limite que Bénédicte Rousset parvient à fixer pour ne pas tomber dans le « bien-être immoral » de la vengeance et de la sublimation amoureuse.
Bien plus qu'un polar, « Romilda » soulève des questions que nous nous posons tous, et cela dans un style soutenu, des descriptions précises et détaillées, une construction sans faille.
Les lettres de Romilda, magnifiques, se doublent d'un arrière-plan historique, puisque celles de Félix ont bien été écrites par l'arrière arrière-arrière-grand-père de Bénédicte Rousset et constituent un précieux témoignage concernant la vie des soldats lors de la première guerre mondiale.
Alors, que vous aimiez ou non les polars, happés par les talents de romancière de l'auteur, cette lecture vous transportera dans un ailleurs spécialement revisité où la nostalgie n'a pas basculé dans la mélancolie. Suivant le cheminement de Romilda et d'Ange Barloti, vous comprendrez comment le réel peut revêtir la couleur des désirs et des rêves. Et de quelle façon la passion, à condition de lâcher un peu du lest, parvient à côtoyer la réalité sans toutefois perdre de sa puissance ni en être négativement affectée.
Rachel
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