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Critique de Kirzy


Un premier roman, c'est la promesse d'une rencontre, avec un auteur, un univers, une écriture. Parfois la rencontre ne se fait pas mais là, dès les premières pages, j'ai su qu'elle se ferait. Et elle s'est faite. J'ai été piégée par la mise en scène brillante de Charles Roux, par le mystère inquiétant qui émane de chaque phrase sans que jamais l'intérêt ou la tension narrative ne retombent sur près de 600 pages.

Tout le roman s'articule autour d'un repas dans un restaurant stupéfiant conçu comme un cabinet de curiosités et des rencontres qu'il en résulte. Un narrateur omniscient s'adresse à ses trois personnages, les interpelle, les prévient, prophétise. Tel un chef d'orchestre, il semble diriger chacun en l'associant à un pronom : David, golden boy volage est « tu », Alice la célibataire névrosée et seule est «  vous », Dominique le restaurateur magicien est « il ». le tout dans une atmosphère à la fois mystérieuse et oppressante : un Paris tentaculaire en proie aux angoisses depuis qu'un monstre invisible sévit et nourrit les fantasmes ; la nuit et ses pouvoirs libérateurs, entité quasi mystique qui pousse à se dévoiler et libère les instincts.

Trois personnages, trois voix, trois identités déchirées dont on partage les troubles au plus près. Chacun devra affronter son monstre intérieur, la part sauvage et inavouée qui est tapie au plus profond de lui. Comment devenir soi-même ? Charles Roux dépèce les multiples couches d'une identité sociale qui étouffe la plus profonde dans une société contemporaine décrite au vitriol. Il éjecte les filtres avec brio. Finis le moule, les postures, les chaînes imposées par un mode de vie aliénant et zombificateur.

Durant toute cette lecture, en apnée, on sent que l'auteur sait où il veut amener son lecteur. Et il le fait avec une liberté totale, étonnamment audacieuse pour un premier roman. L'écriture est étincelante, instinctive, entre urgence et improvisation, elle pousse littéralement les personnages dans leurs ultimes retranchements jusqu'à révéler ce qu'ils sont, sans fard. Elle est également très visuelle et laisse des empreintes fortes dans la tête et les rétines. Comme celle de ce golem de glaise sculpté par Alice dont l'image fantastique m'a accompagné durant toute la lecture.

Le monstre est vulnérable, empli de solitude, d'espoir, avide de voir transcender ses douleurs intérieures. Un premier roman très ambitieux et réellement bluffant. Souvent dérangeant dans le questionnement qu'il peut engendrer en poussant le lecteur à se confronter à son moi le plus profond par le truchement de personnages qui affrontent pour la première fois leurs tourments.
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