AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Paulette2


Charles Roux prend au mot notre époque du trop en racontant de manière excessive, forcément, l'itinéraire d'Antoine, joueur compulsif qui tente de se libérer de ses addictions. Pour cela, il faut traiter le mal par le mal : rien de tel qu'un bon jeu de hasard, le 31, pour remettre les compteurs à zéro. Ça y est, la roue est lancée, il ira d'une dépendance à l'autre, de Charybde en Scylla, cherchant en vain la satisfaction ultime.

Première réussite : l'instance narrative. le narrateur s'adresse à son personnage principal à la 2ème personne. Il le suit dans ses pérégrinations, le cingle, le morigène, se pose en moraliste acerbe. Alors forcément, avec ce « vous », le lecteur se sent un peu visé aussi. C'est ainsi que la portée critique du roman se déploie sans efforts. La présence fantomatique de ce narrateur omniprésent crée du même coup le malaise. Tout cela marche très bien, paraît très naturel.
Puis il y a le style, en très grande forme. Chez Charles Roux, la langue exulte, brasse, étrangle, caresse. C'est un langage en fusion dans lequel on se vautre avec passion. Oui, on en sort un peu brûlé, mais ça vaut le coup. Parce qu'il y a des passages qui marquent durablement, comme l'hilarante fellation par une mendiante dans le métro (quelle réussite !). Ou l'apparition sublime de la Fée verte, allégorie commerciale de l'absinthe et plus largement, de toutes les déviances d'Antoine.
Extrait :
« Splendide et irréelle, rayonnante et éthérée, telle est la femme qui peu à peu s'extirpe de cette mer d'absinthe. Des pieds à la tête, tout son corps ruisselant irradie autour d'elle. Mille tonalités emmêlées composent la carapace humide et vaporeuse de son être. Perdu dans le vide abyssal d'un ciel qu'elle est seule à voir, son regard est une confusion de chagrin et de joie.
Dans ses cheveux ébène, des algues emprisonnées, des coquillages et surtout le désir, pour tous les buveurs du monde, d'y glisser des doigts fiévreux, de s'y perdre pour la soirée, en si bonne compagnie, un verre à la main. »

Et la beauté fauche le lecteur désorienté…
Car où sommes-nous en vérité ?
Dans la caverne d'Ali-Baba visitée par E.A. Poe ?
Chevauchant Gregor Samsa à la poursuite d'Alice ?
Sur le tournage d'O'Brother en compagnie d'un personnage de Gogol ?
Dans un conte d'Andersen, la Bergère basculée par le Ramoneur lubrique ?
Charles Roux nous fait la démonstration magistrale que oui, tout est décidément possible en littérature. Il suffit de savoir jouer.

À lire en une fois : one shot, les doigts dans la prise !
Commenter  J’apprécie          302



Ont apprécié cette critique (30)voir plus




{* *}