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Critique de Diabolau


Voilà un bouquin qui commence sur les chapeaux de roues. Clarisse, 13 ans, est en crise perpétuelle. Elle insulte ses profs (ce qui nous vaudra une ou deux des meilleures scènes du bouquin) et semble haïr le monde entier avec la même application autodestructrice. Elle déteste aussi ses parents : il faut dire, à sa décharge, qu'ils sont – j'ai envie de dire "comme presque toujours", et je suis bien placé pour le savoir – largement responsables de son état. Son père, parce qu'il se fiche complètement de sa fille, bien trop occupé par ses frasques amoureuses et surtout sexuelles. Sa mère, parce qu'elle est dépassée par les évènements, et finalement faible. À vrai dire, il est plus difficile de lui en vouloir à elle qu'à lui, mais les enfants ne sont pas toujours très justes, n'est-ce pas ?
Un personnage passionnant – et tellement "vrai" – que cette Clarisse, car figurez-vous que pour couronner le tout, elle est EIP (intellectuellement précoce). On a envie de dire "pour son malheur" (et celui de son entourage), car cela lui permet d'avoir une grande acuité et une terrible clairvoyance sur les manquements de sa "communauté éducative"... À la fin du livre, on comprendra que cette particularité, malgré le drame qu'elle vient de vivre, va probablement lui sauver la vie en lui permettant de se soustraire à cet entourage délétère.
Question en creux : combien d'enfants, qui n'ont pas cette acuité, sont en train de mourir intérieurement, sans pouvoir se rebeller, à cause de la nullité de leur entourage ?
Autre constat en creux : si tous les enfants avaient les capacités et le caractère de Clarisse, ils ne tarderaient pas à foutre définitivement par terre notre système sociétal déjà moribond.
Hélas, je dois dire que j'ai beaucoup moins adhéré à la suite. Toute la partie "fugue au Portugal" m'a paru bien en dessous de la première. L'auteure aime beaucoup ce pays et le connaît bien, cela se voit... peut-être un peu trop. Moi-même passionné d'histoire, de géo, aimant beaucoup le voyage – et ayant visité plusieurs des lieux évoqués – j'ai eu plus d'une fois l'impression d'être en train de lire le guide du routard du Portugal. Cette impression est exacerbée par le choix narratif (première personne du singulier, on voit à travers les yeux de Clarisse). Autant ce choix passe crème en première partie et nous permet d'entrer en empathie totale avec la jeune fille, autant en milieu de livre il m'a éjecté de l'histoire car on sait que Clarisse, qui vient au Portugal pour la première fois, ne peut pas connaître tout cela, et on devine donc l'auteure derrière ces lignes. À certains moments, on a l'impression qu'elle en prend elle-même conscience, notamment quand Clarisse dit à Tony "qu'il va devenir prof comme sa mère".
Une alternative aurait été (à mon avis) de squeezer certains passages au profit de davantage d'introspection, ou de passer les informations davantage en dialogues... Ou même, de changer le point de vue et prendre celui de Tony – qui connaît le pays – pour les chapitres centraux. D'autant que lui aussi est un personnage riche et bien construit.
J'en ai fini pour les reproches, car quand revient le drame et l'inévitable retour à la réalité pour notre jeune héroïne, on retrouve illico les sensations du début et le livre coule jusqu'à son terme dans un feu d'artifice d'émotions.
Combien on la comprend, éprouvant même une jouissance jubilatoire, quand elle balance sans ménagement un verre dans la tête de sa nouvelle belle-mère !
Combien on partage son exaspération, quand toute la stupide communauté adulte se ligue en vertu de je ne sais quels principes éculés et irréfléchis, pour se refuser à lui dire ce qu'elle a le droit de savoir. Je l'ai toujours dit : on en crèvera, de prendre les enfants pour des imbéciles. En voici une illustration cruellement réaliste.
En résumé, si la partie centrale, à mon avis moins réussie, a empêché un avis totalement dithyrambique, j'ai quand même été très secoué par tout le reste. Jo Rouxinol est une grande peintre de l'âme humaine, et une fine observatrice des mœurs de ses contemporains. Son écriture est accessible sans être trop simple.
Un très beau livre, que je serais tenté d'offrir à pas mal de parents... et de profs (pourtant, j'en suis un moi-même, mais pas corporatiste pour un sou)... Mais je pense, hélas, qu'ils le prendraient mal.
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