Peut-être que la solution à la détresse, c’est de s’occuper l’esprit, d’aider les autres, de faire semblant d’oublier ce qui s’est produit et de laisser la peine revenir petit à petit, jusqu’à ce qu’on se sente prêt à l’affronter ? Je ne sais pas.
Je ne connais pas d’endroit plus triste qu’un salon funéraire, surtout lorsque l’on y souligne le décès d’un homme comme Alexander Evans : un homme merveilleux, plein de vie, qui n’avait peur de rien, un adorable fou. Mon Alex. Les gens me serrent contre eux sans prévenir et tentent de me consoler. Pourtant, mes yeux restent secs. C’est étrange, vu le nombre de crises qui m’ont secouée ces trois derniers jours. Ce soir, je suis calme. Tant mieux. Je déteste me donner en spectacle.
Le corps d’Alex, qui fait mine d’être endormi dans son cercueil, ne me rappelle plus rien de l’homme que j’ai aimé. Il ne reste qu’une coquille vide, sans lumière et sans âme. C’est pour cela que je refuse de m’en approcher. De l’autre côté de la pièce, le plus loin possible de lui, j’évite de regarder ce qui ne m’appartiendra plus jamais. Je me contente de répondre aux questions, qui sont toujours les mêmes : il a eu un accident de moto, il a été dans le coma pendant deux jours et il est mort à cause d’une hémorragie que les médecins n’ont pas pu contenir. Les gens insistent : est-ce qu’il s’est réveillé ? Est-ce qu’il a eu le temps de dire quelque chose ? Brenda secoue la tête en pleurant, dévastée par sa réponse à laquelle on ne peut rien. C’est triste. Elle répète qu’elle n’aura pas eu la chance de régler ses différends avec son fils, de lui dire à quel point elle l’aimait et toutes ces choses qu’on regrette quand quelqu’un meurt.
– Ne t'inquiète pas, ma chérie. Carl est juste… un peu excessif ?
– Excessif ? Moi ?
Ils échangent un regard tendu, puis Carl s'impatiente et me lance tout en vrac :
– Elle a dit à tout le monde que tu étais ma femme !
Je parle à Alex dans la tête, mais les seuls mots que j'avais à lui dire sont : Voilà, tu es content, maintenant ? Tu m'as tout pris. Je n'ai plus rien. Plus rien.
Est-ce le signe que j'attendais ? Est-ce qu'Alex essaie vraiment de m'aider, de là où il est ? Est-ce qu'il a juste été incapable de revenir vers moi et que c'est sa façon de réparer le grand bordel qu'il a laissé dans ma vie ?
Je voudrais être seule pour pleurer en paix, mais tout le monde me suit, comme si je les emmenais quelque part.