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Critique de fuji


Entendez-vous l'hallali du monde paysan !
Le chant du coq pour réveil, la porte de la ferme reste ouverte, à l'intérieur les étagères croulent sous les livres, les volets bleus pour seule lueur.
Les champs où les vaches attendent les pis gonflés.
Il court droit devant lui, sa carcasse de colosse se déploie, ses muscles déforment le blouson, il avale l'air à grande goulée.
Droit devant lui, s'enfoncer dans la forêt amie, et protectrice, celle dont les murmures apaisent ses maux.
Laisser derrière soi la folie des hommes, ceux qui n'ont jamais planté une salade ni trait une vache et qui décide de tout, de votre travail et de votre santé mentale.
Ceux qui sont habilités à tuer, en toute impunité, toute une population, celle qui a fondé la France, les paysans.
Cet état dont on hérite.
« Il était l'unique représentant de la gent masculine sur une lignée de trois enfants. Au sein d'une famille où la vocation d'agriculteur se transmettait comme une providence… »
Jacques Bonhomme, ce colosse, qui comme le beau brocard qui le regarde courir sur son territoire, a l'allure fière et décidée, le coeur cogne contre les parois de son large thorax, sa peau exsude une odeur âcre, presque animale, puisqu'il en est réduit à cela, vivre comme un animal aux abois. le brocard n'a pas peur de lui il le reconnait comme un frère en danger.
J'ai lu ce livre en apnée, la respiration bloquée et les yeux noyés. C'est un monde que je connais, et l'humanité mise dans ce texte est juste exceptionnelle. Elle nous fait vivre ce drame de l'intérieur.
Un drame qui nous concerne tous.
En narrant la cavale de Jacques et en alternant le récit des voisins de ce petit village, le lecteur a une vue au plus près de ce qui se passe dans ce monde rural.
Un monde qui ne demande rien d'autre que faire son métier et bien le faire.
Un monde écrasé, comme une fourmilière par un coup de bottes. Sans en connaitre la richesse.
Les voisins et les soeurs racontent la droiture de Jacques, l'entraide, la fierté de ce paysan, sa culture aussi pas seulement celle de la terre. Celle puisée dans les livres.
Ils racontent les tracasseries, le harcèlement, toujours, encore et encore, sans une once d'humanité ni envers l'homme et encore moins avec le cheptel. C'est juste une infamie.
Ils racontent le monde rural et cet attachement viscéral à la terre.
Corinne Royer de sa belle écriture nous raconte un drame (inspiré de la réalité) avec des mots forts mais elle nous crie la vie de la nature et de ceux qui contribuent à la préserver, à garder l'essence de ce qu'est la France.
Les paysans meurent ce ne sont pas seulement des hommes qui meurent, c'est la mort de tous, qui est bien entamée, avec la perte de goût, de valeurs, de sens.
Parlons-en du sens de la vie, alors que le monde marche sur la tête avec nos silences qui servent d'acquiescement.
C'est notre tombe que nous creusons.
Un livre qui a une force inouïe, les mots coulent dans nos veines, nous broient le coeur et nous essorent l'âme.
La beauté de l'écriture est aussi limpide que l'eau de la rivière nimbée par le soleil.
Je referme ce livre avec dans les oreilles le meuglement long et désespéré de ces limousines dans leur pré.
« Cinq bêtes se débattaient au fond de la rivière. Les autres, encore debout, les piétinaient pour tenter de s'extraire des eaux. Les vociférations des trois agents ne faisaient qu'entraîner davantage de panique. Jacques a parlé aux bêtes, calmement, Tay-Tay-Tay, du calme… »
De longs frissons pour signifier cette onde de chocs.
©Chantal Lafon

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