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Critique de Apoapo


Durant l'été 2016, un tremblement de terre dévastateur a eu pour épicentre les Apennins entre l'Ombrie et les Marches, dans l'Italie centrale, dont les séquelles sont encore bien visibles. Norcia, la ville natale de Saint Benoît, saint patron de l'Europe et fondateur de l'ordre monastique des Bénédictins, a été particulièrement frappée par le séisme. En avril 2017, en randonnant parmi ses monts nommés d'après la Sibylle, Paolo Rumiz s'inquiète de l'état de l'Europe, de sa balkanisation à l'échelle continentale dont le dernier épigone en date est le Brexit, de sa déshumanisation concrétisée par le refoulement des migrants, des menaces qui pèsent sur ses démocraties, notamment depuis le cheval de Troie que représentent certains régimes d'anciens membres du Pacte de Varsovie, de son système économique prédateur de l'environnement et du bonheur des humains. Ainsi, devant la statue intacte du saint, il est saisi par la pensée que lors de la chute de l'Empire romain, c'est bien le monachisme bénédictin qui sauva l'Occident de dangers bien plus graves encore – de la violence généralisée, de migrations belliqueuses, de dégradations urbaines, de banqueroutes – et qui créa une vision de l'Europe et un réseau territorial touffu grâce à une Règle fondée sur la prière, le travail (« ora et labora »), mais aussi sur l'écoute, l'accueil, le silence et l'exemple. Qu'y a-t-il d'encore actuel dans la Règle bénédictine ? Peut-on y puiser quelques réflexions pour faire face à la déliquescence contemporaine de l'Europe ? Afin de répondre à ces questions, il se met en route vers des monastères bénédictins « de l'Atlantique au Danube », pour recueillir le témoignage de leurs abbés et abbesses.
La description de ces lieux – quatorze font l'objet de chapitres spécifiques dans le livre, mais d'autres sont survolés en quelques lignes – qui sont très différents les uns des autres autant par les paysages qui les entourent que par le caractère propre de chacun, étant donné que le réseau bénédictin se caractérise par l'autonomie et la décentralisation radicales, les propos recueillis, et surtout les digressions innombrables qui font la prose de Rumiz forment le matériau de cet ouvrage. Les endroits sont splendides, les rencontres imprévues, les silences s'alternent aux paroles murmurées, aux chants et autres musiques sacrées et profanes, les bières abbatiales et autres nutriments conventuels abondent, pourtant l'inquiétude de l'auteur domine dans ces pages davantage que dans tout autre livre de lui. le discours politique sur l'Europe et sur les migrations, depuis l'Italie, a certainement des tons plus alarmés, je dirais même plus tragiques que ceux que nous avons l'habitude d'entendre en France ; le christianisme et en particulier les « racines chrétiennes de l'Europe » ont aussi, clairement, des connotations voire une signification totalement différentes, à la fois plus consensuelles et plus militantes (ce qui peut paraître paradoxal)... de même, les paroles des religieux, bien que mises en contexte autant que possible par Rumiz, y compris celles d'un curé hongrois qui portaient les relents fétides de son gouvernement actuel, révèlent à l'évidence les traces de la diversité des perspectives d'un point à l'autre du Continent. Cela est toujours intéressant à relever entre les lignes. le pessimisme vainc et le ton est par conséquent, souvent, davantage que celui de l'observation, celui de l'admonestation.
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