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Critique de jucoq


[RUSHDIE ZEN] L'événement dans le milieu littéraire est important : LA CITE DE LA VICTOIRE (VICTORY CITY pour le titre original) signe le retour de Salman Rushdie après l'attaque dont il a été la cible le 12 août 2022, attaque qui lui a valu l'usage d'un oeil. Impossible pour autant de trouver des liens entre le destin de Pampa Kampana (à part peut-être la fin ?), l'héroïne du livre, et la vie de l'auteur, puisque ce dernier avait fini de corriger les épreuves du livre avant son attaque. Reste que le livre n'en est pas moins passionnant, et brasse assez large pour nous intéresser sur plus de 300 pages.

LA CITE DE LA VICTOIRE pourrait commencer par « Il était une fois… », tant le roman se rapproche du conte, ou plutôt de l'épopée. Il pourrait également débuter comme le célèbre incipit du CONTE DES DEUX CITES de Dickens : « It was the best of times, it was the worst of times… ». Car le roman de Rushdie se décline avant tout comme le portrait d'une ville, Bisnaga (littéralement « la ville de la victoire »), fondée dans le sud de l'Inde au XIVème siècle par la jeune Pampa Kampana aidée par la déesse Pampa. Profondément ébranlée par le suicide de sa mère, immolée par le feu, Pampa Kampana se met à entendre la voix de la déesse, et se fait réceptacle de la parole divine. Dotée de quelques pouvoirs divins et d'une capacité à vivre deux cent quarante-sept ans, Pampa Kampana veille sur la cité, influence les décisions des différents régents, assiste aux victoires et aux défaites, aux âges d'or et aux décadences.

LA CITE DE LA VICTOIRE est un épais roman, sans pour autant qu'il soit lourd. Salman Rushdie a le chic de nous guider au sein d'une intrigue tortueuse et longue d'un quart de siècle. Si le nombre de personnages impressionne, l'auteur parvient toujours à nous rappeler leur fonction, et ne nous perd jamais, parvenant même à créer une psychologie propre à chacun de ses êtres de papier (le roi Hukka et son frère Bukka, le portugais Domingo Nunes, le religieux Haleya Kote…). Présentée comme la traduction et la simplification d'une ancienne épopée, le Jayaparajaya, découverte dans une jarre, cette saga se présente avant tout comme un tour de force romanesque.

Ici, peu de philosophie et de réflexions, mais avant tout la description et le roman d'une ville. Pour autant, Rushdie parsème son histoire de thèmes revenant de façon cyclique : la place des femmes au sein de la société (« Dans l'empire de Bisnaga, dit-elle dans son adresse au conseil, les femmes ne sont pas traitées comme des sujets de seconde zone. Nous ne sommes ni voilées ni cachées. ») et celle des relations entre politique et religion (adoption d'une religion d'Etat, liberté de culte, tolérance des prières collectives…). Solidement documenté (une bibliographie fournie se trouve à la fin du livre), LA CITE DE LA VICTOIRE brasse une part importante de l'histoire de l'Inde du Sud, entre fiction et réalité : « soit tout est vrai, soit rien ne l'est, et nous préférons croire en la vérité d'une histoire bien racontée ».
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