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Critique de nilebeh


C'est comme un conte merveilleux qui s'enroulerait autour d'un autre conte terrible et sanglant. Deux histoires, deux époques (celle des Jin de l'Est et celle des Chen, séparées de 180 ans, puis celle des Song) dans deux zones de la Chine, ennemies et brutales en ces temps médiévaux : la Chine du Nord et la Chine du Sud. Depuis toujours les chefs suprêmes tentent de conquérir des terres, d'imposer leur loi, de ravir richesses et forces humaines, de s'emparer de femmes. Corruption et ambition sont les principes actifs de ces généraux et de ces dignitaires. On oppose souvent la barbarie du Nord à l'élégance des lettrés du Sud. Au final, on ne trouve pas un empereur qui s'élève au-dessus de la sauvagerie. Bouddhistes du Sud contre taoïstes du Nord, les guerres font rage dans ce monde brutal des années 400 - 588. On lit Confucius, on écoute ses poèmes chantés accompagnés à la cithare, on peint de délicats tableaux de fleurs, d'oiseaux et de montagnes embrumées. C'est du moins ce que fait la Jeune Mère, devenue la Mère, puis la nonne, après avoir été enlevée par un fruste soldat du Nord, placée dans un paradis fermé, faite mère deux fois, hissée sur le trône au côté de son général de mari devenu premier empereur des Song. Où est passée la délicatesse de son éducation de jeune fille aristocrate des Hautes Portes, le niveau le plus haut de la bonne société du Nord ?

La cithare sera le fil rouge de ce roman : des années plus tard, un jeune luthier aura pour art et pour mission la réalisation de cet instrument de légende qui, doté de tant de beauté, se suffit à lui-même, on ne joue pas de la cithare au sein d'un orchestre. Table horizontale aux sept cordes de soie pincées, elle exprime toute la sensibilité de l'âme du musicien. Un ravissement des sens, une échappée vers les plus hautes sphères de l'élégance. Qu'on peut encore entendre parfois au détour d'un chemin dans un parc chinois jouée par une musicienne délicate.

Le luthier, ce sera Shen Feng, formé par un maître du Nord ; Un jour Shen Feng aura pour mission de construire ce merveilleux instrument créé par un dieu. Pour cela, il devra trouver un bois de mille ans ; c'est au fond d'un tombeau impérial qu'il va le chercher. Et l'histoire bascule dans l'horreur et dans le sang, dans le rêve et dans la poésie la plus érotique et la plus délicate.

Étrange livre, foisonnant d'informations sur la construction de l'Empire du Milieu, nous perdant parfois dans les notations historiques, mais qu'importe ? Il suffit de se laisser emporter par les images et la musique. L'auteure est elle-même peintre et musicienne et c'est un plaisir de se laisser guider dans son univers.

Il ne s'agit pas d'une traduction. Shan Sa est venue en France après ses études en Chine et a rédigé ce texte en français. Pourtant, on n'hésite pas une seconde à ranger ce livre sous l'étiquette « littérature chinoise » tant il est intensément l'expression de ce pays.
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