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Critique de Valhalla28


« Valkyrie », le troisième livre de la série « Prélude au Ragnarök » de Federico Saggio, vous emmène au côté de Brunehilde, une Valkyrie chère au dieu Odin et qui, pourtant, va peu à peu remettre en doute sa parole - faisant loi - à l'approche de l'Hiver…

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas la mythologie nordique, normalement, vous n'aurez pas de difficultés à vous plonger dans le récit puisque même s'il est chargé de très nombreuses références, l'auteur conte de manière légère un pan de la vie de la Valkyrie Brunehilde, elle-même liée à la figure du tueur de dragon, Sigurd (dont les deux premiers livres de la série semblent relater sa vie à lui).
Pour celles et ceux qui connaissent la mythologie nordique et éventuellement les textes fondateurs comme l'"Edda" ou "Völsunga saga" ainsi que les liens avec L Histoire mérovingienne, vous ne serez pas dépayser. Et encore moins si vous avez déjà lu par exemple "La Légende de Sigurd et Gudrún" de J.R.R. Tolkien. En effet, « Valkyrie » se veut proche - du moins dans sa démarche - de cette revisite personnelle qu'a opéré Tolkien (entre autres auteurs) qui, lui-même, voulait compléter le récit pour faire se rejoindre différentes versions de la grande histoire de Sigurd afin de la crédibiliser.
Federico Saggio, en suivant les motifs héroïques tirés du cycle de Sigurd, un matériau donc d'origine parfois contradictoire ou elliptique, nous conte sa vision personnelle de la naissance de Sigurd à travers la personnalité de Brunehilde.

Ainsi, dans une première partie introductive, l'auteur propose de se familiariser avec Brunehilde et plus largement les mondes de Midgard et Asgard, dont le Valhalla, principalement. Nous découvrons ainsi la fonction de Valkyrie, qui consiste à aller chercher les valeureux guerriers morts au combat pour les amener dans la Halle d'Odin, les servir lors des banquets et les entraîner en vue de l'affrontement final. L'auteur dresse également le portrait général du panthéon des dieux et toutes leurs contradictions liées au Cycle, au Destin. L'auteur joue sur ces paradoxes pour nous relater certains épisodes antérieurs au présent du récit (le géant Hrungnir, le loup Fenrir, le dieu Loki), mais qui participent à la révélation, remise en question de Brunehilde. Ces dieux corrompus méritent-ils vraiment d'être vénérés ? À quoi bon fournir à Odin une armée d'Einherjar ? Notamment s'il ne fait rien pour endiguer l'Hiver qui approche de plus en plus : Ragnarök.
[spoiler]La deuxième et dernière partie permet de relater de manière plus continue l'épisode où Brunehilde décide de s'opposer à Odin en aidant Sigmund et sa soeur jumelle Sieglinde et toutes les conséquences qui en découlent.[/spoiler]
Ainsi cette partie, que j'ai préférée à la première, nous fait vivre des moments plus intenses et dynamiques.

En ce qui concerne les personnages, j'ai aimé que l'auteur choisisse d'être au côté d'une Valkyrie pour présenter les origines de Sigurd. Et c'est à travers le point de vue de cette divinité (appartenant aux « dises »), traitée de manière subjective et au présent, que nous plongeons à travers les Neufs Mondes, aux prémisses d'un grand danger, de la fin prophétique.
Une divinité redoutable, forte par son physique et son caractère, « Brunehilde » en vieux norrois signifie « Hildr-à-la-broigne ». Cette broigne (tunique de cuir recouverte de plaques ou anneaux en métal) s'accompagne d'un bouclier et d'une lance.
Brunehilde, en tant que Valkyrie - et dont l'espace et le temps n'ont pas d'emprise -, obéit aveuglément à Odin, car ce sont ses ordres et c'est dans l'ordre des choses de lui obéir. Cependant, elle va peu à peu développer des craintes, qui l'amèneront à repenser la justesse de ces lois érigées par les dieux Ases (et qu'eux-mêmes bafouent), et qui l'amèneront jusqu'à s'opposer à Odin, son père, à eux, les Ases. C'est l'illustration d'une figure féminine qui s'émancipe, du lien rompu entre une fille et son père. Empreinte de doutes, elle met à mal ses convictions et finit par oeuvrer avec ses propres valeurs.
Par ailleurs, j'ai apprécié la réécriture généalogique (je ne vais pas détailler pour ne pas spoiler plus) qui trouve sa cohérence avec l'Hugr (pour grossir le trait, c'est l'âme des Hommes) et qui permet de lier Brunehilde à Sigurd, bien avant sa naissance, renforçant le caractère « prophétique » de leur relation. Ils étaient liés, destinés à se rencontrer.

Côté environnement, l'auteur décrit souvent des décors symboliques, des éléments clés (issus des écrits précédemment cités) pour nous permettre d'imaginer le reste. On ne s'embarrasse pas de scènes d'expositions très détaillées sur les décors ni dans les actions, surtout dans la première partie qui segmente les actes de Brunehilde. Les premiers chapitres vont à l'essentiel de chaque évènement. Personnellement, j'ai parfois eu la sensation de survoler le récit, ainsi j'ai commencé à m'attacher à Brunehilde à partir de la seconde partie.

Pour la narration, comme c'est subjectif (incarné par le "je" de Brunehilde), nous partageons les pensées, sentiments de la Valkyrie, et je ne vous cache pas que c'est quelquefois répétitif. Assez rapidement, nous comprenons la menace qui les attend tous (puisque c'est déjà écrit, on ne peut se soustraire aux divinations des Nornes ou à l'oeil sacrifié d'Odin qui depuis sait tout, y compris sa fin), et donc ce que redoute Brunehilde (« l'Hiver qui viendra inévitablement tout dévaster ») ; et tout aussi promptement, nous comprenons que c'est Odin qu'elle prend pour responsable, puisqu'il est le Père de Tout. Et Ragnarök comme Odin sont souvent relatés lorsque Brunehilde peut en faire le constat et/ou qu'elle commence à changer d'opinion. Si ce n'est pas dérangeant en soi, la répétition peut donner l'impression que Brunehilde stagne, alors que les évènements du récit veulent nous montrer l'inverse.
En outre, j'ai ressenti de rares incohérences, liées aux changements soudains d'avis, entre l'espoir, la motivation de s'opposer, de trouver sa propre voie et le désespoir, la fatalité face à la destinée ; alors qu'aucun évènement ne justifie ce retournement.

Finalement, ce livre se lit bien, c'est fluide de par l'histoire racontée, les sujets abordés. L'auteur s'inspire de nombreux textes (vastes et dispersées entre ceux du Moyen-Âge - poèmes, chansons et ballades -, et ceux des auteurs des siècles passées comme W. Morris, J.R.R. Tolkien, Wagner, T.M. Anderson, voire peut-être les dernières adaptations BD, manga, jeu vidéo).
J'ai donc senti le respect de l'auteur et sa passion pour la mythologie nordique. Je souligne également son effort pour façonner son style d'écriture, aussi bien par le choix du vocabulaire, des expressions que par les figures de style utilisées (nombreuses et variées), en plus de la volonté de faire de la prose rimée (j'imagine afin de garder la poésie des textes norrois). Cependant, et heureusement, l'auteur a souvent fait le choix des phrases courtes, plus agréables à lire, sinon je pense que ce phrasé ampoulé aurait fini par me déranger.

Certains y voient et y verront une force, un style personnel et travaillé, certes c'est le cas, je suis même contente d'avoir pu lire un texte où rien ou presque n'est laissé au hasard. Après, c'est l'importance de ce poids - du travail de l'auteur - transmis à son lecteur qui peut ou pas le gêner lors de la lecture. Personnellement, je suis indécise, à la fois ravie de constater que l'auteur s'est accroché à la richesse de la langue, qu'il y a eu un véritable effort. Et en même temps, c'est à mon goût un brin trop visible, perceptible.
Et ce travail, pourtant conséquent, laisse derrière lui plusieurs coquilles et surtout répétitions d'éléments de situation qui alourdissent le texte, exemple p119 : « je me suis immergée dans l'eau glacée jusqu'au bassin… caressant délicatement ma peau nue […] c'est nue que j'ai plongé dans l'eau […] Ainsi nue […] ».
En plus des répétitions de termes forts (« Hugr », « suppliciés ») et d'expressions (« partir en fumée », « jeté bas »). Je trouve dommage ce cumul de répétitions, surtout dans un texte plutôt assez court (239 pages) et présenté de manière très aérée : interlignage agréable, mais de nombreux sauts de ligne, parfois double, qui séparent arbitrairement le texte et les dialogues (d'ailleurs il y a un problème typographique sur l'enchaînement des répliques et leur continuité).

Pour conclure, « Valkyrie » est un roman indépendant dans la série « Prélude au Ragnarök » que je vous invite à découvrir. À travers la série, et notamment ce récit, il y a une volonté de l'auteur de s'approprier la mythologie nordique, pour en faire un récit personnel, mais sans apports vraiment nouveaux (du moins, je n'en ai pas eu l'impression car la revisite reste fidèle aux textes préexistants). La création de l'auteur se concentre principalement sur les modifications de certains personnages et évènements afin de mettre en lumière différemment le panthéon des dieux nordiques et le cycle de Sigurd.
Même si je me suis permis de détailler quelques faiblesses, j'ai passé un agréable moment de lecture. Et je reste curieuse de découvrir comment l'auteur a réécrit le destin de Sigurd, le célèbre tueur de dragon et ce que devient Brunehilde à son côté.
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