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08 novembre 2011
Les traductions des livres d'Edward W. Saïd nous arrivent avec beaucoup d'années de retard. Ce livre a été écrit en 1980 et republié en 1996 aux États-Unis). Mais qu'importent ces années, les analyses résistent et résonnent d'un profond humanisme. Contre l'immédiateté du fait divers, des gros titres de la presse, ces textes offrent des éclairages pertinents, une compréhension politique des phénomènes sociaux, de leurs inscriptions dans l'histoire. Il ne s'agit pas ici d'une soit-disante expertise neutre qui habille, masque trop souvent les intérêts des bien pensants, des dominants.

Si le livre traite des présentations de « L'Islam en tant qu'actualité » et de « La Crise iranienne », de cette « corrélation créée de toutes pièces entre les Arabes, les musulmans et le terrorisme » dans les années quatre-vingt, trente ans après, les mêmes mots, les mêmes caricatures, les discours se fondent toujours « sur des généralisations inacceptables ».

L'auteur « analyse en détail le maniement occidental de la notion « Islam » et plus rapidement le maniement musulman de cette même notion ».

L'élargissement d'un mot en concept hors du temps, hors des conjonctures politiques, hors des sociétés réellement existantes, permet des constructions fantasmagoriques, des prêt-à penser sans relief, attise la haine sur des objets sans consistance, derrière lesquelles s'effacent les femmes et des hommes bien concret-e-s.

D'un coté un « nous » non défini à opposer aux autres « L'occident est donc moderne, plus vaste que la somme de ses parties, pétri de contradictions fécondes, et néanmoins toujours »occidental » dans son identité culturelle. le monde musulman, lui, n'est rien d'autre que »l'Islam », il peut être réduit à un petit nombre de caractéristiques immuables, et ce malgré ses contradictions et ses expériences de diversité qui, à première vue, sont aussi abondantes que celles de l'occident. »

Le « nous » a fonction d'étiquette, d'engloutissement des réalités sociales hiérarchiques, sans oublier la création de ceux et celles qui ne seraient pas nous, donc les autres.

Le « nous » de la presse, le « on » des commentateurs, comme « La France » des uns, la « nation » des autres, des journalistes, des experts, de ceux qui savent et débitent leurs bêtises, souvent criminelles, comme des vérités que rien ne saurait contredire. Il ne s'agit pas d'arguments mais de mots, d'idéologie, de domination, d'exclusion.

Il faut lire les critiques savoureuses de l'auteur sur la presse américaine, sur son fonctionnement en lien avec les opérations militaires (« La description occidentale de »l'Islam » répond à un objectif : la conquête »), sur l'indigence crasse de la majorité des commentateurs.

Je signale particulièrement le dernier chapitre « Savoir et pouvoir ». Edward W. Saïd y critique les orientalistes, ceux qui inventent et perpétuent un Orient immuable et singulièrement façonné aux intérêts de ceux qui se proclament l'universel, mesure de toute chose. Il convient d'opposer à ces auto-désignés experts, une autre conception du savoir « un objet de recherches et de contestations, non une récitation passive de faits et de visions »autorisées » »

Et l'auteur de souligner « le savoir qui porte sur la société humaine et non sur le monde naturel est par définition un savoir historique, basé sur le jugement et l'interprétation ».

Les critiques de l'auteur pourrait malheureusement être élargis à de nombreux travaux de sociologues, même critiques, à tous ceux/celles qui oublient par exemple, en permanence la hiérarchisation des sexes et parlent de « l'homme » et invisibilisent les femmes, de ceux/celles qui parlent des « noirs » et considèrent que le blanc n'est pas une couleur, de ceux/celles qui ……, chacun-e pourra compléter à sa guise cette longue liste de naturalisation ou d'essentialisation des êtres, des faits sociaux.
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