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Critique de YsaM


J'ai vu passer ce livre sur mon fil Instagram et je ne sais pas pourquoi mais je l'ai tout de suite acheté, sans me poser de questions, sans qu'il ne passe par la case wishlist, et j'ai bien fait, ce roman est une pépite, un de ces livres qu'on ne lâche pas, une histoire dans laquelle on se sent bien instantanément, malgré la gravité des évènements qui s'y déroulent.

Nous sommes en 1917, L'héroïne se prénomme Alphonsine, je l'aime tout de suite, elle est vive, a du caractère et malgré son jeune âge, elle sait déjà qu'elle ne restera pas dans la ferme Bretonne à s'occuper de la terre et des bêtes, ni à travailler dans les conserveries de poisson de la région. Son avenir elle le voit à Paris, dans un emploi de domestique.

Quand le curé de la paroisse -qui s'occupe régulièrement de trouver des jeunes filles pour travailler au sein de familles aisées Parisiennes- lui annonce, en novembre 1924, qu'il a une famille et un emploi pour elle, Alphonsine n'hésite pas un seul instant, à 17 ans passés, elle prend le train pour la capitale.

En parallèle, on fait la connaissance de Johannes, fils unique, il est Berlinois et grandit dans une famille Bourgeoise de la capitale Allemande. La défaite de l'Allemagne lors de la première guerre mondiale a laissé des traces et un esprit revanchard chez certains Allemands, le père de Johannes s'est engagé dans le parti d'extrême droite dirigé par un certain Hitler et n'hésite pas à faire participer son fils qui décide de s'engager dans les jeunesses Hitlériennes. le jeune homme est un maniaque, toujours dans le contrôle et voue un culte démesuré à Hitler. Il n'a aucune empathie, il est égoïste, égocentrique, je crois que je le déteste dès les premières descriptions de sa personnalité. Sa mère finit par quitter le foyer, écoeurée par l'attitude du père et du fils.

Evidemment, Johannes en Allemagne, Alphonsine en France, je me dis qu'un moment donné ces deux personnes seront amenées à se rencontrer, dans quelles circonstances je l'ignore totalement mais comme la seconde guerre mondiale s'achemine lentement, j'ai bien une petite idée.

En attendant, Alphonsine est employée par les Chemtov, une riche famille juive qui vit dans un immeuble cossu de la rue du Cherche midi. Ruben Chemtov possède une librairie à Saint-Germain-des-prés, C'est un choc pour la jeune fille qui découvre l'électricité, une salle de bains, des WC avec une chasse d'eau et un appartement chichement meublé. Sarah Chemtov a une classe folle avec sa coupe à la garçonne et son bel accent slave. C'est une femme libre qui conduit sa voiture, va dans les musées, les concerts et Alphonsine est tout de suite sous le charme de sa patronne. Les Chemtov sont des gens affables qui vont prendre soin d'Alphonsine, la jeune femme ne le sait pas encore mais son destin vient de basculer avec cette merveilleuse rencontre.

Alphonsine mesure chaque jour la chance qu'elle a d'être employée par Sarah et Ruben, la jeune femme n'a plus rien de la paysanne d'antan, elle a beaucoup appris de Madame Chemtov et, a 26 ans, personne ne pourrait se douter qu'elle est domestique et vient d'un hameau breton. Alphonsine a appris à lire, à s'habiller, se maquiller, à parler correctement. Elle évolue dans le milieu aisé parisien et s'est fait de bons amis dont Julien le fleuriste dont elle est particulièrement proche et Zofia, employée elle aussi chez les Chemtov.

Elle n'a cependant pas oublié sa famille, même si elle ne les a jamais revus, elle leur envoie un mandat chaque mois, ça met du beurre dans les épinards comme on dit ! Elle est particulièrement bien payée, les Chemtov sont généreux, elle est logée et nourrie, elle peut donc économiser et se faire plaisir. Ses rapports avec les Chemtov sont comme ceux d'une fille avec ses parents, il y a beaucoup de respect, d'admiration, elle aime ce couple qui lui donne tellement en retour.

A Berlin, Johannes est monté d'un cran dans son idolâtrie pour Hitler, il est désormais capitaine dans la Waffen-SS, marié et père d'un petit garçon de quatre ans. C'est un tortionnaire qui est prêt à tout pour faire parler les prisonniers, surtout les juifs qu'il exècre, il est chargé d'espionner les ennemis du Reich et il fait ça à la perfection. Je dois avouer que mon antipathie et dégoût pour cet homme monte d'un cran à chaque chapitre le concernant et je ne suis pas au bout de mes surprises.

La seconde guerre mondiale arrive et impacte la vie de chacun. C'est dans cet univers que nous transporte Virginie Saint-Martin, l'occupation, les rafles, les juifs qui tentent de fuir, ceux qui se pensent à l'abri parce qu'ils sont Français, ceux qui se cachent, les dénonciations, les premiers groupes de résistance et la famille Chemtov qui est en grand danger.

L'autrice nous emmène dans un Paris occupé où la vie continue malgré le rationnement, le couvre feu, le manque de liberté et les mesures anti-juives. C'est là que Johannes entre en scène si j'ose dire, mais je ne peux en dévoiler plus, un soir la vie d'Alphonsine bascule dans l'horreur puis La famille Chemtov qui, jusque là avait réussi à passer entre les mailles du filet, est arrêtée sur dénonciation d'une voisine et plus rien ne sera jamais comme avant. Alphonsine doit continuer à vivre sans Sarah et Ruben qu'elle considère comme sa famille, elle doit aussi faire face à un terrible secret qu'elle va tenter d'enfouir au plus profond d'elle même et qui la poursuivra jusqu'à la fin de sa vie.

Et c'est là que ce roman devient encore plus intriguant, d'habitude quand il y a un secret, le lecteur ne le connait pas, il le découvre bien souvent à la fin de l'intrigue, en passant par des chemins de traverse, avec des rebondissements, des impasses, des retours en arrière. En ce qui concerne l'histoire d'Alphonsine, on vit le secret avec elle, on connaît toute l'histoire mais ce sont ses descendants qui ne la connaissent pas et on passe le reste du roman à attendre que le secret éclate, mais il n'éclate jamais et l'autrice fait durer le suspense. On est pas suspendu au secret, on est suspendu à la réaction qu'auront les descendants si jamais le secret est dévoilé, et bien sûr je veux que ce secret éclate, Alphonsine le doit à ses descendants, je comprends à quel point c'est douloureux pour elle de vivre quotidiennement avec lui. Mais Virginie Saint-Martin, sait nous tenir en haleine et doser juste comme il faut, quand on croit que le moment est arrivé, rien ne se passe !

J'aimerai souligner aussi le côté féministe du récit avec une Alphonsine très engagée, après la guerre, pour la cause des femmes, pour l'avortement, pour l'égalité, le droit au divorce. Elle a créé l'association « solidarité féminine » et rencontrera Simone Veil, en 1974 pour préparer le projet de loi sur l'avortement. Personne n'aurait parié sur la petite Bretonne, elle est pourtant devenue une femme cultivée, accomplie et très active.

Quel roman magistral, c'est une pépite, une merveille, je ne trouve même plus les mots pour le qualifier tellement j'ai adoré. Tous les ingrédients sont là, des personnages attachants et beaux moralement, la période historique qui est très intéressante et tellement bien décrite par l'autrice qui a fait des études d'histoire de l'Art, le contexte Parisien, l'appartement feutré et la personnalité attachante des Chemtov, le féminisme, ça fait beaucoup de sujets et pourtant ça passe tout seul parce que c'est très fluide.

Vient enfin le temps de la révélation, de la réconciliation, du pardon. J'ai cru que ça n'arriverait jamais, jusque là j'avais un peu l'impression d'étouffer et de cacher le secret avec l'héroïne, voilà que je retrouve mon oxygène. Cette révélation est salvatrice, elle se fait en douceur, il n'y a ni colère, ni haine, tout ça se fait calmement avec beaucoup de fraternité, de solidarité, d'amitié, un peu à l'image d'Alphonsine et de sa riche vie.

J'ai refermé ce livre avec des étoiles plein les yeux et un sentiment de sérénité, j'ai eu du mal à laisser partir Alphonsine et les autres personnages, cette lecture m'a chamboulée, bouleversée, elle véhicule aussi de beaux messages d'espoir. C'est un livre que je ne suis pas prête d'oublier !



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