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Critique de Dorian_Brumerive


« José le Péruvien » fait partie d'une sélection d'oeuvres traduites par la Comtesse de Gencé et publiées par les éditions Albin Michel au début des années 30, et qui, bien qu'attribuées à Emilio Salgari, ont été rédigées longtemps après sa mort par ses anciens collaborateurs et nègres littéraires, et dans un esprit relativement différent de leur modèle. C'est l'éditeur italien qui a entretenu, durant de longues années, le mystère sur la mort de Salgari en transformant son nom en un "house-name" dont les vrais auteurs sont peu faciles à identifier.
« José le Péruvien » est un roman qui se déroule en Australie, ou plus exactement dans une Australie hautement fantaisiste. Suite à un pari entre deux riches colons, José le Péruvien, son ami et futur beau-frère Fernandez et un chasseur mercenaire nommé Lindsay entreprennent la traversée de l'Australie, du nord au sud. Leur périple sera traversé par bien des difficultés, dont l'acharnement d'un indigène anthropophage, Mulga, et d'un rival amoureux, Merual, que José pensait avoir tué avant son départ.
Cette aventure très classique, fortement inspirée de Jules Verne et de Paul d'Ivoi, serait plaisante, si elle n'était aussi complaisamment raciste et peu au fait de son sujet. L'auteur (ou les auteurs) placent ainsi en Australie une multitude de tribus anthropophages hautement farfelues, composées d'hommes noirs de type africain, avec une mâchoire proéminente et des dents extrêmement pointues. Il semble que les colons britanniques au XIXème siècle ont alimenté (c'est le cas de le dire) cette propagande à des fins touristiques, certains villages étant bâtis de toutes pièces pour le frisson des touristes et des explorateurs.
N'ayant jamais mis un pied en Australie, l'écrivain rapporte comme vrais ces racontars d'encyclopédie, et, ce qui est plus grave, en fait le coeur de son aventure et y puise nombre d'informations inexactes ou légendaires, dont il parsème un récit qu'il a tout de même le souci de rendre un minimum pédagogique.
Notons qu'il est principalement question, dans cette aventure, de gloutonnerie, et pas seulement anthropophage. Les trois héros ne pensent qu'à manger, et ils mangent absolument tous les animaux qu'ils rencontrent, du kangourou au perroquet, en passant par les koalas. Les kangourous sont même directement cuits "sous la cendre", intégralement enfouis sous un feu de camp, ce qui est d'ailleurs considéré par l'auteur comme la manière australienne, puisque les anthropophages procèdent de même avec les êtres humains dans les quelques scènes cannibales de ce récit.
Enfin, si le héros de ce roman s'appelle José le Péruvien, c'est simplement parce qu'il est péruvien, ainsi que sa fiancée Marinka et le frère de celle-ci, Fernandez. Que font ces trois Péruviens à Port-Augusta, au sud de l'Australie ? Cela ne sera pas dit...
On l'aura compris : « José le Péruvien » est un navet, mais un navet de compétition ! On le déguste sans déplaisir au second degré. D'ailleurs, l'auteur lui-même est-il si sérieux que ça ? Les blagues récurrentes sur les cannibales laissent penser que ce roman a été écrit par quelqu'un qui s'amusait beaucoup à le rédiger de manière aussi fantaisiste. Néanmoins, la narration reste sérieuse, et l'auteur se donne du mal pour entretenir un suspense qui abonde en rebondissements totalement rocambolesques : enlèvements, plantes suceuses de sang, volcan démoniaque, bagarres avec les kangourous, mine d'or exploitée par des esclaves, cariole tirée par des émeus dressés (?), chariot et bateau piégés, bandits qu'on croyait morts, qui s'en sortis et qui reviennent se venger... Sur bien des plans, on flirte avec la parodie pure d'un genre qui, pourtant, dans les années 1920-1930, commençait à être singulièrement dépassé.
Reste que toute cette abondance d'action narrative ne dissimule guère le caractère plus que minimal de l'intrigue, ni l'absence de profondeur des personnages ou leur manichéisme simpliste, ni surtout le racisme omniprésent, vindicatif, accompagné d'interminables moqueries sur les coutumes ou les croyances des autochtones, ou plus précisément des "singes", comme les appellent le plus souvent nos trois héros, tout en les envoyant dormir avec les boeufs quand ils en accueillent un dans leur petit groupe.
Il faut donc faire abstraction de cette autosatisfaction coloniale et raciste pour apprécier ce roman nanardesque, qui n'est pourtant pas sans charme, de par cette balourdise désuète si fondamentalement italienne, et ce culot affabulateur si sincèrement potache.
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