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Critique de Henri-l-oiseleur


Catherine Saliou s'est chargée de rédiger, pour la belle collection "Mondes anciens" de Belin, un remarquable volume sur le Proche-Orient romain, de Pompée (le conquérant du I°s av. J.C.) à Muhammad ou plutôt à ses successeurs, au VII°s apr. J.C. Ce découpage chronologique et géographique est extrêmement intéressant, et original pour le lecteur amateur d'histoire : temporellement, la période coïncide avec la domination romaine de la zone, jusqu'aux invasions arabes qui enlèvent cet espace à l'empire romain d'Orient, ou byzantin ; et géographiquement, l'étude se concentre sur la très riche et féconde province de Syrie, englobant l'état syrien actuel, le nord de l'Irak et le sud de la Turquie actuelle, ainsi que la Jordanie, Israël et le nord de l'Arabie. Autrement dit, l'Iran, l'actuelle Turquie et l'Egypte sont exclus par ce découpage raisonnable. Au plan de la documentation historique, il va de soi que certains travaux fournissent des sources plus fiables que d'autres, pensons aux agissements des "archéologues" et "historiens" de Daech ou du Waqf palestinien de Jérusalem. C'est pourquoi l'ouvrage limite sa riche iconographie à 2011.

C'est donc pour une part une étude d'histoire romaine, d'histoire provinciale du Haut-Empire, et pour une autre, un travail sur l'Antiquité tardive, ou l'empire romain de Constantinople. On apprend, au fil des chapitres, que les siècles qui furent matériellement si durs en Occident, du III° au VI°, correspondent à une grande prospérité et une vitalité culturelle de l'Orient, à tous niveaux. L'étude précise des territoires, de leur économie, des échanges, des cités et des campagnes, fondée sur une documentation plus riche qu'en Occident en pleine régression barbare, donne une image vivace d'un univers vivant, créatif et remuant, plein de surprises et de diversité. Les analyses de cas, les commentaires iconographiques, les encarts et citations, donnent au lecteur une idée à la fois claire et détaillée des questions abordées. N'était le style de l'historienne, la lecture de ce volume serait enthousiasmante.

Enfin, deux éléments distinguent ce livre des autres ouvrages d'histoire : le premier est la place faite aux langues multiples et à leur statut respectif au Proche-Orient ; parallèlement au copte en Egypte, en Syrie naquit une langue nationale locale, le syriaque, sous l'impulsion d'une église chrétienne dynamique qui fit face à la culture hellénique dominante des élites. Sans le syriaque, la fameuse "science arabe" n'existerait pas. Il est rare qu'un livre d'histoire réserve une place aux phénomènes linguistiques. En plus, une remarquable étude de sociologie des religions - dans une région et à une époque où ces questions sont centrales et d'une brûlante actualité - et un chapitre consacré à l'incarnation des autorités et des contestations, ouvrent des perspectives historiques vraiment intéressantes.
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