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Critique de Aderu


Ce livre, sorti en janvier 2019, prend aujourd'hui une toute autre saveur.
Dans cette savante compilation des écrits antivaccins et des écrits sur ceux-ci, Françoise Salvadori - la biologiste spécialisée en immunologie - et Laurent-Henri Vignaud - l'historien des sciences - remettent en perspective cette tendance que l'on pourrait croire actuelle. L'alliage de leurs deux points de vue et spécialisations permet de fournir un ouvrage complet, mais néanmoins accessible.

De fait, dès que la vaccination fut inventée, la résistance était déjà présente et en place !
Car, avant le processus de vaccination, il y avait l'inoculation, ou variolisation, qui procédait d'un même esprit d'incorporation dans le corps de fragments de maladie.
Cette pratique, importée en Occident dans la première moitié du XVIIIe par Lady Montague, femme d'un ambassadeur anglais à la Sublime Porte, souffrit d'une triple mauvaise presse, du fait de sa triple origine : féminine, orientale et mondaine.
Ensuite Jenner arriva, puis Pasteur et Koch, et ainsi de suite jusqu'aux dernières évolutions de la technologie vaccinale.

L'argent a tout de suite été au centre des attaques.
L'inoculation était présenté comme n'étant qu'une manne pour ses promoteurs.
La vaccination n'a pas plu à une partie des inoculateurs qui y voyaient une perte de marché.
Pasteur a concentré de nombreux griefs, dont celui de la vénalité. Il est vite décrit comme un "chimiste-financier", et l'argument passera à ses continuateurs puis jusqu'à nos jours sur l'industrie pharmaceutique.

LES TYPES D'ARGUMENTS/POSTURES
Françoise Salvadori et Laurent-Henri Vignaud nous montre les quatre familles d'arguments d'opposition aux vaccins - ou d'opposition à leur imposition : religieux, naturalistes, politiques et "alterscientifiques".
Les religieux et les naturalistes se rejoignent sur la nécessité absolue de respecter la Providence, qu'elle soit divine ou nature. Remplacer Dieu par la Nature et vous avez grosso modo les mêmes dynamiques, menant à un malthusianisme, confinant souvent à une forme d'eugénisme.
C'est à ce titre que vous découvrirez des citations proprement hallucinantes à lire aujourd'hui sur la nécessité de laisser mourir les gens qui le doivent face à un péril démographique mondiale causant une dégénérescence de la race en sabotant la sélection naturelle.
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Je note qu'il est "amusant" de voir qu'aujourd'hui le "grand reset" est une accusation portée sur les vaccins, alors qu'à l'époque, une partie des opposants leur reprochaient de sauver des vies !
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Viennent ensuite les arguments politiques, tendance libertaire ou libertarienne - selon les courants - et fustigeant une quelconque intervention de l'état. Phénomène que l'on peut décrire par un terme savant : la réactance. Ou pour une image plus simple : tu me dis de faire ci, alors je vais faire ça - même si je n'ai pas envie de faire ça.
Enfin, reprenant un terme d'Alexandre Moatti, les arguments "alterscientifiques". Ceux-ci viennent de courant en marge du canon scientifique actuel : naturopathie, chiropraxie et autre homéopathie sont les terreaux de ces pensées s'inscrivant à la marge, et rejoignant parfois les naturalistes - dans leur obsession sur la Nature, décrite comme modèle d'équilibre.

Les arguments contemporains sont de deux ordres, principalement : les vaccins ne sont pas efficaces et/ou ils sont dangereux. Les deux pouvant se mêler dans le discours.

Sans jamais clouer au pilori le discours antivax, les auteurs montrent qu'il a pu alimenter le débat sur la vivisection animale ou l'expérimentation humaine, ou encore contribuer à la mise en place de l'habeas corpus, par exemple.

Les ligues antivaccins ont pu préfigurer par leur créativité les méthodes que l'on qualifierait aujourd'hui comme étant celles de la désobéissance civile.
Elles ont aussi été capables d'éditer un album compilant des photos d'enfants morts. Ce qui est moins ambiance "action non-violente". Ou d'exposer une fillette "à pelage" dans une vitrine d'apothicaire. Même constat.

Le livre revient sur les différents scandales et ratés de l'histoire vaccinale : Bundaberg, Lübeck, Cutter, etc.
Et ne se prive pas, pareillement, de revenir sur la fraude Wakefield, qui lança l'idée, jamais confirmée mais ancrée dans beaucoup d'esprits, que le vaccin ROR peut causer l'autisme. Pour le coup, la vénalité était bien du côté de celui-ci puisque l'on sait désormais qu'il fût grassement payé à dessein pour réaliser son "étude".

Bref, il y a tant à dire, que je ne peux que suggérer la lecture de ce livre. Lequel, je le répète est accessible en terme de lecture. Il s'inscrit parfaitement dans l'audacieuse ligne des éditions Vendémiaire.

Au final, un ouvrage qui permet d'affiner notre perception de ces mouvements hétérogènes et en recomposition fréquente.
Il ne faut pas céder à l'anathème "antivax", mais il ne faut pas non plus se leurrer sur les intentions d'une partie du mouvement.
Mieux comprendre pour mieux répondre.
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