Antivax - Françoise Salvadori, Laurent-Henri Vignaud
On voit ici que la médecine n’est jamais mieux attaquée que par elle-même. Et que les sciences qui la sous-tendent peuvent être « malscience », comme l’évoque Nicolas Chevassus-au-Louis dans l’ouvrage du même nom, qui sonne l’alarme sur la fraude qui serait en hausse dans les laboratoires. Son ampleur est difficile à évaluer, mais 2% des scientifiques reconnaissent avoir fabriqué, falsifié ou manipulé des données pour publication, et un tiers avoue un comportement parfois « déviant » pour publier. Car au-delà de leur fonction première de communication de résultats à la communauté scientifique, les publications sont devenues des outils d’évaluation des carrières et des institutions de recherche.
Les parents se sentent seuls autorisés à faire des choix, même si ceux-ci sont en contradiction avec les politiques de santé publique ; les mêmes qui refusent la vaccination peuvent paradoxalement chercher à prévenir, par des régimes alimentaires peu stabilisés scientifiquement, des maladies mal établies (par exemple: l'intolérance au gluten), ou a normaliser, parfois par la pharmacologie, des comportements ou de simples traits de personnalité (les cas des enfants turbulents ou impulsifs traités comme "hyperactifs" par un dérivé d’amphétamine est assez connu). Le vaccin "artificiel" est banni, mais d'autres comportements ou médicaments qui semblent l'être tout autant sont vécus comme des choix de parents responsables. A travers leur conception d'une éducation naturelle, ces parents refusent peut-être avant tout l'incursion de l'Etat dans les recommandations de santé.
La Condamine, qui par deux mémoires publiés en 1754 et 1758 s'est fait le champion de la cause pro-variolisation, résume par une jolie formule l'argument massue, mais avouons-le un peu morbide, de ses partisans : "La nature nous décimait, l'art nous millésime." (31)
On ne s'étonnera [...] pas de voir progresser baïonnette et lancette d'un même pas sur tous les territoires où les Européens s'engagent. Le cas anglais de l'Inde et celui français de l'Algérie peuvent servir d'exemples archétypaux du rapport entre la médecine coloniale et les populations colonisées, notamment par les types de résistance qu'elle provoque. (56)
En France, les premières initiatives [de variolisation] concernent les colonies et tout particulièrement Saint-Domingue dès 1745. Un esclave portant la cicatrice est vendu à un prix supérieur à celui qui n'en a pas. (38)