AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Musa_aka_Cthulie


Bonne biographie de Klimt, qui met en perspective à la fois la vie de l'artiste, son évolution artistique et le contexte. le contexte historique, qui occupe surtout les premiers chapitres, avait notamment bien besoin d'être explicité, Klimt ayant vécu d'une part, dans une Autriche-Hongrie instable politiquement, et les grands travaux du Ring à Vienne (équivalent des projets du baron Hausmann à Paris), qui s'engagèrent au moment de la jeunesse du peintre, ayant eu d'autre part une influence essentielle sur sa carrière. de même, le contexte culturel et artistique sont largement abordés, ce qui permet de situer Klimt à ses débuts dans le mouvement historicisant, qui fut le mouvement dominant pendant des décennies, avec le peintre Makart comme chef de file. Cette biographie, par ailleurs réellement agréable à lire, nous permet donc de comprendre comment, démarrant sa carrière dans une veine académique (et c'était bien ce qu'on lui demandait), Klimt a pu profiter de ses premiers succès pour poursuivre ses recherches picturales dans d'autres directions - avec moult scandales à l'appui !

Serge Sanchez n'oublie donc pas de citer les influences, essentiellement symbolistes, qui engagèrent Gustav Klimt à creuser hors des ornières de l'académisme : Whistler, Stuck, Khnopff, Toorop, Böcklin, entre autres. le plus passionnant dans tout ça, c'est de suivre, preuve de l'évolution du style du peintre et de son affirmation en tant qu'artiste, la véritable épopée que fut la commande des trois tableaux pour l'Université : La Philosophie, La Médecine et La Jurisprudence. J'avais déjà lu d'autres livres sur Klimt, et j'en connaissais donc l'histoire, mais je ne m'en lasse jamais, tellement elle tient du feuilleton. En bref, les tableaux (que l'on ne connaît plus que par le biais de photographies) déplurent fortement à la bonne bourgeoisie et aux autorités universitaires, qui n'y comprirent pas grand-chose. Il faut bien avouer que Klimt y montrait, en un style symboliste et novateur, morbide et quelque peu érotique, une humanité impuissante, ce qui était exactement le contraire de ce que recherchaient les commanditaires. Les controverses et les passes d'armes durèrent des années...

Ce qui m'amène à préciser que Serge Sanchez a très bien su décrire les multiples facettes de Klimt. Alors qu'il est souvent réduit pour le grand public, aujourd'hui, à un peintre éminemment sensuel respirant la joie de vivre - ce qui n'est pas faux, mais qui est sans doute exagéré à cause du succès de son tableau le Baiser, qui a tendance à reléguer la très grande majorité de l'oeuvre dans l'ombre -, on voit très bien ici combien les tableaux de Klimt pouvaient receler de ténèbres et de questionnements angoissés, notamment pendant sa période symboliste. Et combien Klimt lui-même fut un personnage tourmenté, voire dépressif, dont la vie artistique fut jalonnée de scandales et de succès, mais aussi plein de vie, ne cessant jamais de travailler à sa peinture et d'expérimenter de nouvelles voies... jusqu'à ce que ce que la relève (Schiele, Kokoshka, par exemple) lui fit comprendre qu'il n'était plus tout à fait de son temps.

Car ce qui est prégnant dans cette biographie, c'est avant tout le combat de Gustav Klimt contre l'art académique et sclérosé du temps, et toutes les expériences qu'il a pu mener pour agiter l'art de cette fin-de-siècle, avec la fameuse Sécession viennoise et les Wiener Werkstätte (Ateliers viennois), en travaillant avec la revue Ver Sacrum, en se cherchant du symbolisme à l'Art nouveau, de sa période historicisante à sa période fleurie, en passant par sa période symboliste et sa période dorée. C'est donc aussi toute l'histoire du renouvellement de l'art dans la Vienne de la fin du XIXème siècle que nous avons ici (et quelle époque d'inventions ce fut dans toute l'Europe, et même au-delà !), de toute une révolution qui continua, d'une certaine façon, avec l'Art déco et l'expressionnisme.

On peut noter également que Serge Sanchez ne s'est pas étendu sur les relations féminines de Klimt. On en sait ce qu'il est nécessaire de savoir : qui furent ses principales liaisons, quelles relations il a pu maintenir avec ces femmes qui, pour certaines, ont beaucoup compté dans sa vie, et s'il a eu des enfants avec elles. Il ne tranche d'ailleurs pas sur le cas d'Emilie Flöge, qui fut la compagne de toute une vie, dont on ne sait exactement si sa relation avec Klimt fut platonique, ou pas. Toujours est-il que les relations familiales et les amitiés sont tout aussi bien traitées que ce qui touche aux relations sexuelles, sujet un peu facile (de mon point de vue).

Seul point faible : difficile de suivre cette biographie si l'on n'a pas bien en tête les nombreux tableaux mentionnés, étant donné que très peu de reproductions sont disponible dans le livre (et en format réduit). Il ne me paraît pourtant pas nécessaire d'être un bon connaisseur de Klimt pour suivre le texte : mon conseil sera donc de vous procurer un livre qui contient beaucoup de reproductions du peintre et de le garder sans cesse sous la main, ou bien de faire des aller-retours vers des reproductions numériques avec une tablette. Ce qui peut certes s'avérer un peu fastidieux... Mais il serait dommage de passer à côté de cette biographie si vous avez envie de vous lancer à la poursuite de Gustav Klimt.
Commenter  J’apprécie          309



Ont apprécié cette critique (29)voir plus




{* *}