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EAN : 9782070462704
320 pages
Gallimard (19/10/2017)
3.59/5   11 notes
Résumé :
"Le goût, c'est bon pour les amateurs devin et les cuisiniers. L'art n'a rien à voir avec le goût." Figure centrale de la Sécession viennoise, Gustav Klimt (1862-1918) est le peintre emblématique de la Vienne fin de siècle, celle de Sigmund Freud, Gustav Mahler et Arthur Schnitzler, tous fondateurs de la modernité européenne. Il fit exploser les normes académiques et permit à l'art autrichien de s'ouvrir à l'impressionnisme et au symbolisme. Il fut aussi l'ami et le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Bonne biographie de Klimt, qui met en perspective à la fois la vie de l'artiste, son évolution artistique et le contexte. le contexte historique, qui occupe surtout les premiers chapitres, avait notamment bien besoin d'être explicité, Klimt ayant vécu d'une part, dans une Autriche-Hongrie instable politiquement, et les grands travaux du Ring à Vienne (équivalent des projets du baron Hausmann à Paris), qui s'engagèrent au moment de la jeunesse du peintre, ayant eu d'autre part une influence essentielle sur sa carrière. de même, le contexte culturel et artistique sont largement abordés, ce qui permet de situer Klimt à ses débuts dans le mouvement historicisant, qui fut le mouvement dominant pendant des décennies, avec le peintre Makart comme chef de file. Cette biographie, par ailleurs réellement agréable à lire, nous permet donc de comprendre comment, démarrant sa carrière dans une veine académique (et c'était bien ce qu'on lui demandait), Klimt a pu profiter de ses premiers succès pour poursuivre ses recherches picturales dans d'autres directions - avec moult scandales à l'appui !

Serge Sanchez n'oublie donc pas de citer les influences, essentiellement symbolistes, qui engagèrent Gustav Klimt à creuser hors des ornières de l'académisme : Whistler, Stuck, Khnopff, Toorop, Böcklin, entre autres. le plus passionnant dans tout ça, c'est de suivre, preuve de l'évolution du style du peintre et de son affirmation en tant qu'artiste, la véritable épopée que fut la commande des trois tableaux pour l'Université : La Philosophie, La Médecine et La Jurisprudence. J'avais déjà lu d'autres livres sur Klimt, et j'en connaissais donc l'histoire, mais je ne m'en lasse jamais, tellement elle tient du feuilleton. En bref, les tableaux (que l'on ne connaît plus que par le biais de photographies) déplurent fortement à la bonne bourgeoisie et aux autorités universitaires, qui n'y comprirent pas grand-chose. Il faut bien avouer que Klimt y montrait, en un style symboliste et novateur, morbide et quelque peu érotique, une humanité impuissante, ce qui était exactement le contraire de ce que recherchaient les commanditaires. Les controverses et les passes d'armes durèrent des années...

Ce qui m'amène à préciser que Serge Sanchez a très bien su décrire les multiples facettes de Klimt. Alors qu'il est souvent réduit pour le grand public, aujourd'hui, à un peintre éminemment sensuel respirant la joie de vivre - ce qui n'est pas faux, mais qui est sans doute exagéré à cause du succès de son tableau le Baiser, qui a tendance à reléguer la très grande majorité de l'oeuvre dans l'ombre -, on voit très bien ici combien les tableaux de Klimt pouvaient receler de ténèbres et de questionnements angoissés, notamment pendant sa période symboliste. Et combien Klimt lui-même fut un personnage tourmenté, voire dépressif, dont la vie artistique fut jalonnée de scandales et de succès, mais aussi plein de vie, ne cessant jamais de travailler à sa peinture et d'expérimenter de nouvelles voies... jusqu'à ce que ce que la relève (Schiele, Kokoshka, par exemple) lui fit comprendre qu'il n'était plus tout à fait de son temps.

Car ce qui est prégnant dans cette biographie, c'est avant tout le combat de Gustav Klimt contre l'art académique et sclérosé du temps, et toutes les expériences qu'il a pu mener pour agiter l'art de cette fin-de-siècle, avec la fameuse Sécession viennoise et les Wiener Werkstätte (Ateliers viennois), en travaillant avec la revue Ver Sacrum, en se cherchant du symbolisme à l'Art nouveau, de sa période historicisante à sa période fleurie, en passant par sa période symboliste et sa période dorée. C'est donc aussi toute l'histoire du renouvellement de l'art dans la Vienne de la fin du XIXème siècle que nous avons ici (et quelle époque d'inventions ce fut dans toute l'Europe, et même au-delà !), de toute une révolution qui continua, d'une certaine façon, avec l'Art déco et l'expressionnisme.

On peut noter également que Serge Sanchez ne s'est pas étendu sur les relations féminines de Klimt. On en sait ce qu'il est nécessaire de savoir : qui furent ses principales liaisons, quelles relations il a pu maintenir avec ces femmes qui, pour certaines, ont beaucoup compté dans sa vie, et s'il a eu des enfants avec elles. Il ne tranche d'ailleurs pas sur le cas d'Emilie Flöge, qui fut la compagne de toute une vie, dont on ne sait exactement si sa relation avec Klimt fut platonique, ou pas. Toujours est-il que les relations familiales et les amitiés sont tout aussi bien traitées que ce qui touche aux relations sexuelles, sujet un peu facile (de mon point de vue).

Seul point faible : difficile de suivre cette biographie si l'on n'a pas bien en tête les nombreux tableaux mentionnés, étant donné que très peu de reproductions sont disponible dans le livre (et en format réduit). Il ne me paraît pourtant pas nécessaire d'être un bon connaisseur de Klimt pour suivre le texte : mon conseil sera donc de vous procurer un livre qui contient beaucoup de reproductions du peintre et de le garder sans cesse sous la main, ou bien de faire des aller-retours vers des reproductions numériques avec une tablette. Ce qui peut certes s'avérer un peu fastidieux... Mais il serait dommage de passer à côté de cette biographie si vous avez envie de vous lancer à la poursuite de Gustav Klimt.
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Livre très agréable à lire surtout pour la description de l'avant garde viennoise et des réactions de la société au début du 20ème siècle, alors que l'empire austro-hongrois est sur le déclin et proche de la fin.
Notations intéressantes sur les relations entre les différents artistes et notamment sur egon Schiele.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
En mars 1901, un an après le tollé soulevé par La Philosophie, un nouveau scandale éclatait autour de Klimt. Il était cette fois provoqué par la deuxième de ses grandes peintures pour l’Université, La Médecine, qui tenait la vedette à la dixième exposition de la Sécession.
Après ceux de Platon, c’étaient donc maintenant les disciples d'Esculape qui se liguaient contre une œuvre de Klimt jugée tout aussi démoralisante qu'indécente. La presse s'enflamma très rapidement : le conflit entre le peintre et les professeurs devenaient un feuilleton apprécié de lecteurs. Il faut dire que l’institution universitaire était une dame d'âge respectable qui supportait mal d'être bousculée. Elle avait vu le jour en 1365 et l’Autriche se glorifiait particulièrement d'être à la pointe de la recherche médicale. L’entêtement de Klimt - un vulgaire artiste ! - apparaissait comme une invraisemblable provocation. Car le magma de corps humains que présentait son tableau, ce chaos de chair, de désirs et de maux, était plus sombre encore que celui de La Philosophie. Il ne laissait aucun espoir. Une chute continue. Une mise en images des pensées démoralisantes de Schopenhauer pour qui la vie n'est qu'une "attente sotte, des souffrances ineptes, une marche titubante à travers les quatre âges de la vie, jusqu’à ce terme, la mort. " Même l'amour maternel, sacré entre tous, n'y pouvait rien. Pas plus que la science. Une jolie femme au corps dévoilé côtoyait d'insoutenables représentations du désespoir. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Où allait-on si les bras d'une mère n'offraient aucune sécurité à un enfant ? La Médecine, personnalisée par la déesse grecque Hygie, était belle, mais démunie, dépassée par la misère générale. Et où voyait-on la guérison ? Nulle part ! Pourtant, n’avait-on pas commandé au peintre une œuvre célébrant la gloire de l'institution impériale ?

Scandale au ministère
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Les peintures de Kunsthistorisches Museum, qui avaient demandé deux années de travail, furent achevées en 1892. La commission artistique du ministère se montra extrêmement satisfaite par les réalisations de Matsch et des frères Klimt, à tel point qu'il fut envisagé, dès cette époque, de leur confier la réalisation des peintures du plafond de l'aula magna, prestigieuse salle des fêtes de la nouvelle Université de Vienne, érigée sur le Ring selon les directives d'Heinrich von Ferstel. La commande fut officiellement validée le 4 septembre 1894. Il s'agissait d'illustrer, et bien entendu de glorifier, les matières enseignées à l'Université. Matsch se vit confier la Théologie ainsi que le panneau central, qui devait symboliser le triomphe de la lumière sur les ténèbres, en d'autres termes de la connaissance sur l'ignorance. Klimt, lui, se chargerait de représenter la Philosophie, la Jurisprudence, la Médecine, ainsi que, sur une dizaines d'écoinçons, des allégories comme l'Histoire, la Philologie, l’Anatomie, les Sciences naturelles...Il s'agissait d'une commande extrêmement importante, et qui ouvrait d'immenses perspectives aux jeunes artistes. Ils étaient cette fois entièrement maîtres du chantier, depuis le projet initial jusqu'aux ultimes détails de son exécution. Il va sans dire qu'on attendait d'eux un genre de peinture classique, en accord avec l'image d'une institution des plus honorables. Cela convenait à Matsch. Mais Klimt avait commencé de donner des signes discrets d'insoumission vis-à-vis des ronflants mots d'ordre de l'administration impériale.

Le loup dans la bergerie
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La septième exposition du mouvement Sécession se tint du 8 mars au 6 juin 1900. Klimt y exposait le Portrait de Sonja Knips, ainsi que des paysages comme Après la pluie ou Un matin sur l'étang. Mais le public viennois fut surtout invité à découvrir une première versoir de La Philosophie, tableau destiné à l'aula magna de l'Université et qui suscitait déjà beaucoup de commentaires.
Trente-cinq mille visiteurs se déplacèrent pour le voir. Un record ! On s'attendait à une œuvre édifiante, une représentation pseudo-historique dans le genre de L'École d'Athènes, de Raphaël, un grand tableau représentant Platon, Pythagore, Euclide devisant tranquillement sous le portique d'un temple grec. Bref, un monument à la gloire des vieux philosophes dont les éminents professeurs de l’Université assuraient brillamment la relève. Mais là, l'humanité impuissante semblait emportée dans un maelström sidéral, une cascade galactique où triomphaient la souffrance, l'inquiétude et la mort, balayée par un destin contre lequel il était inutile de se révolter, contre lequel la pensée humaine était impuissante. Un visage surgissait des étoiles. Autour de lui, s'accomplissait le cycle de la vie, de la naissance à la vieillesse et à la mort, en passant par les étreintes de l’amour ou, pour être plus précis : de la reproduction.En bas à gauche, une femme fixant le spectateur de ses yeux sombres représentait la connaissance. Mais où était la sagesse, l'enseignement salvateur de la pensée rationnelle dans tout ça ? Car voilà, à travers la représentation de la philosophie, les professeurs de l'Université entendaient voir célébrer la victoire de l’intelligence humaine - dont ils étaient les représentants sur terre, contre l'obscurantisme. Klimt ne prenait pas parti. Il laissait la question l'emporter sur la réponse, comme l'a écrit Werner Hofmann. Et, selon toute évidence, son œuvre remettait en cause la prétention des docteurs à percer les énigmes de l'univers.

Des sphères brillantes en nombre infini
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Vienne, alors en pleine expansion, était une ville puissante et ambitieuse. Ses dernières maison, écrit Stefan Zweig, se "reflétaient dans le cours puissant du Danube, ou donnaient sur la vaste plaine ou se perdaient dans des jardins et des champs ou grimpaient dans de douces collines sur les derniers contreforts des Alpes que la forêt tapissait de vert". À l'intérieur des anciens remparts, le linienwall, le cœur historique de la cité avait énormément de charme. Il abritait le Hofburg, ou résidence impériale. La noblesse et la bourgeoisie aisée y occupaient de magnifiques demeures. On pouvait y admirer une foule de bâtiments somptueux et d'églises, de belles places et des promenades ombragées, de riches bibliothèques, un observatoire, des musées de toutes sortes, mais aussi des fabriques de porcelaine, de miroirs, de dentelles d'or et d'argent, de fleurs artificielles, d'instruments de musique... Tout y était plus cher, plus luxueux que partout ailleurs. Une taxe sur les aliments qui traversaient l'enceinte décourageait les pauvres de s'y installer. Au-delà des remparts, comme à Baumgarten, les faubourgs abritaient les industries. Gens des campagnes, mais aussi déracinés de toutes nationalités, comme Bohémiens, Tchèques, Ruthènes, Polonais, Roumains, Serbes, et même Grecs, échouaient ici pour servir de main-d’œuvre. Ils n'y trouvaient pas la richesse, pas même le bien-être, seulement l'espoir de survivre. Les loyers atteignaient des sommes exorbitantes et les logements pouvaient être loués à plusieurs familles à la fois:tandis que les uns travaillaient, les autres dormaient. C'étaient les trois-huit de la misère. La prostitution était courante. Avec l'insalubrité et la promiscuité, les maladies proliféraient, en particulier la syphilis ou la tuberculose, spécialité locale, comme la valse ou le croissant, à tel point qu'elle fut surnommée la "maladie viennoise".

Des immigrés dans la Vienne Impériale
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L'École des arts et métiers comprenait quatre départements : dessin et peinture figurative, dessin et peinture décorative, architecture, sculpture. Elle offrait aux élèves des débouchés techniques et préparait aussi au professorat de dessin dans les collèges après trois années de formation. Il vaut la peine de noter qu'elle était ouverte aux femmes, ce qui était alors extrêmement audacieux. L'Académie des beaux-arts de Vienne ne deviendra mixte qu’en 1921 !
L'École des arts et métiers était un établissement très récent lorsque Klimt y entra. Elle avait été créée en 1867 sur une proposition de Rudolf von Eitelberger. Titulaire de la chaire d'histoire de l'art à l'Université de Vienne, ce dernier dirigeait le musée d'Art et d'Industrie, une institution aussi relativement nouvelle puisqu'elle avait ouvert ses portes en 1864. Selon une idée très novatrice, l'école et le musée devaient entretenir des liens étroits. À vrai dire, Eitelberger avait pris modèle sur l'école rattachée au South Kensington Museum de Londres, l’actuel Victoria and Albert Museum. En effet, après la première Exposition universelle, qui s'était déroulée dans la capitale anglaise en 1851, l'idée avait germé d'assurer au sein d'un même établissement un enseignement qui regrouperait l'art, la science et l'industrie. Celui-ci y était beaucoup moins conventionnel qu'à l'Académie des beaux-arts et, en tout cas, plus ouvert sur le monde moderne et les innovations techniques, qui se multipliaient alors et prenaient une importance croissante dans la vie quotidienne et l'économie du pays. En d'autres termes, il s'agissait d'introduire de la beauté dans la production industrielle. Dans l'esprit d'Eitelberger, l'École des arts et métiers avait pour ambition de permettre à l'Autriche de trouver sa place dans l'économie internationale. Avec le temps, une réflexion s'amorça au sein des établissements anglais et viennois sur la notion de Gesamtkunstwerk, ou œuvre d'art totale, qui joua un rôle déterminant dans la genèse du mouvement Arts and Crafts en Angleterre, comme dans celle du Jugendstil viennois.

Les Arts et Métiers, une école novatrice
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Serge Sanchez - La lampe de Proust et autres objets de la littérature .Serge Sanchez vous présente son ouvrage "La lampe de Proust et autres objets de la littérature" aux éditions Payot. Préface Mario Pasa. http://www.mollat.com/livres/sanchez-serge-lampe-proust-autres-objets-litterature-9782228909631.html Notes de Musique : Chris Zabriskie. Preludes. Prelude n°21
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