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Critique de SZRAMOWO


L'amertume du triomphe ou la tauromachie vue de l'intérieur.
Merci aux Editions VERDIER et à BABELIO pour l'envoi de cet ouvrage dans le cadre de la dernière masse critique. Il constituait mon premier choix.

En nous racontant l‘histoire de José Antonio le fils du régisseur d'Albento devenu matador sous le pseudonyme d'El Niño de Albento, Ignacio Sánchez Mejías puise dans ses propres souvenirs.

Ignacio, fils de médecin, refusa la trajectoire sociale que lui trace sa famille, quitte l'Espagne pour le Mexique, revient dans son pays pour devenir le matador que l'on connait, atypique et téméraire, menant une carrière avec le soutien du public, mais contre l'hostilité du monde taurin et les médias, qui ne voient pas en lui un esthète de l'art tauromachique. Les critiques sont vives, souvent acerbes.

On retrouve tout cela, servi par une écriture simple directe et sincère, dans l'Amertume du triomphe.
José Antonio est fils d'un régisseur, ami du Señorito, Manolo, le fils des propriétaires du domaine où travaille son père. élevé par la Marquise comme un deuxième fils :
Au collège, Manolo établit la différence entre ce «frère» au domaine et les autres enfants fils de famille comme lui. Il déclare sans sourciller à son nouvel ami Joaquín Sotomayor, le fils du marquis del Águila :
«José-Antonio est le fils d'un domestique de chez moi et est ici à mon service. C'est pourquoi je lui ai rappelé ce qu'apparemment il avait oublié.»
José Antonio sera marqué à vie par cette trahison. Il s'enfuit. Décide de quitter la sécurité du domaine de Albento, où il sera toujours le fils du régisseur, pour accéder à la gloire.
«Il se souvenait avec horreur de la vie de la valetaille au domaine, et plus d'une fois, quand il songeait que pourrait arriver le moment où il devrait abandonner ses amis pour se livrer aux travaux des champs, car c'était là son destin, il ressentait une grande tristesse.»
El Niño de Albento n'est jamais un héros que face au taureau. En dehors de l'arène, malgré les démonstrations de ferveur du public, il sera toujours le fils du régisseur pour ceux qui tirent les ficelles et détiennent le pouvoir :
« La foule, par vagues, entoura le torero au pied du wagon-lit. José Mari, qui l'accompagnait dans son voyage, monta le premier et, alors que le matador se disposait à faire de même, les acclamations éclatèrent comme un rugissement :
Vive le meilleur torero d'Espagne !
Vive le Niño de Albento (...)»
Il ne peut compter que sur deux personnes, Espeletas, son valet d'épée qui tente en vain de le mettre en garde contre la superficialité de ceux qui l'entourent, et son ami José Mari.
Mais Jose Antonio ne veut rien savoir, s'accrochant à son rêve malgré les rebuffades. Quand il revient en demi-Dieu au domaine de Albento pour une sélection de taurillons, la marquise lui laisse le champ libre, lui accordant comme à son propre fils le titre de Señorito et ordonnant à son bouvier :
« Demain (...) dès que le Señorito José Antonio arrivera (...) donne lui les registres et qu'il dirige la sélection.»
Mais l'arrivée de Manolo, brise le charme, il n'hésite pas à mettre en cause les décision de José Antonio :
«Moi, ce que je sais, répondit le Señorito en colère, c'est que ce veau est à moi et qu'ici on fait ce qui me plait.»
L'histoire racontée est classique. Elle illustre la schizophrénie d'une société tournée vers la réussite mais refusant d'intégrer ceux qui y parviennent par leur propre voie les ramenant à leurs origines plébéiennes.
Longtemps en Espagne, la tauromachie a fait office à la fois d'ascenseur social et d'opium du peuple pour reprendre une expression galvaudée.
Adulé du public, Jose Antonio est honni par les instances officielles tauromachiques, son style est vilipendé par les journalistes, et surtout, les propriétaires des grands domaines, éleveurs de taureaux de combats reconnaissant son talent de sélectionneur, mais à condition qu'il reste sélectionneur de taureaux et surtout ne s'avise pas de séduire une de leurs filles, la belle Marilinda à propos de laquelle la Marquise lui conseille :
«Il faut oublier tout ça, José Antonio ! (...) de plus, c'est impossible. Son père n'y consentira jamais (...)»
Un livre court, inachevé, écrit avec passion, un concentré d'Espagne, l'histoire d'un homme qui voulut s'envoler.
L'amertume du triomphe pourrait se résumer à cet air connu :
« C'est vous le torero ? Continuez ! »
Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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